De chair et de fer, vivre et lutter dans une société validiste
Table ronde inaugurale - 10 ans des Mardis de l'égalité
Une conférence de Charlotte Puiseux
En partenariat avec la Mission égalité de l’Université Rennes 2 et l’association étudiante Handi’rennes2
Docteure en philosophie, autrice et psychologue, Charlotte Puiseux est spécialiste du mouvement crip. Spécialiste des questions de validisme, d’handiféminisme et d’handiparentalité, elle milite depuis de nombreuses années dans les milieux anticapitalistes, féministes et queer.
À travers une approche mêlant recherche académique et expérience vécue du handicap, cette conférence propose une plongée dans les rouages du système validiste et les luttes antivalidistes contemporaines.
S’appuyant sur ses ouvrages « De chair et de fer. Vivre et lutter dans une société validiste » (La Découverte, 2022) et « Plutôt vivre. Comprendre le validisme et valoriser une culture crip » (Éd. Le Cavalier Bleu, 2025), Charlotte Puiseux articulera réflexions philosophiques, concepts sociologiques et exemples concrets.
En ouverture, l’association étudiante Handi’Rennes 2 présentera ses actions et ses engagements pour une université plus inclusive.
À noter. La rencontre sera traduite en langue des signes française (LSF) grâce à la présence de deux interprètes.
Transcription
Bonsoir à tous et à toutes.
Nous nous retrouvons
pour un nouveau Mardi de l’égalité
que je suis ravie de partager avec vous.
Je vous remercie
pour votre présence en nombre.
Je remercie également toutes les équipes
qui contribuent pour une large part
à la bonne tenue
et à la réussite de cette soirée.
Je rappelle que cette soirée est filmée
et sera postée dans quelques jours
sur l’aire d’u et notre chaîne Youtube.
Ce soir, nous recevons Charlotte Puiseux.
Bonsoir Charlotte.
Pour une conférence intitulée
De chair et de fer
Vivre et lutter dans une société validiste
Accueillir aujourd’hui Charlotte Puiseux
c’est accueillir une voix
qui questionne et qui bouscule.
C’est entendre une pensée
qui refuse la résignation
qui dénonce les violences du validisme
et ouvre des perspectives
de lutte et de solidarité.
Ses travaux et ses engagements
nous rappellent que les discriminations
vécues par les personnes
en situation de handicap
ne relèvent pas d’un manque individuel
mais bien d’un système social, culturel
et politique qui produit l’exclusion
tout comme le racisme et le sexisme
violentent les corps et les esprits
des personnes concernées
et entravent leurs existences.
À l’Université Rennes 2 nous affirmons
que la lutte contre toute discrimination
validiste, sexiste,
raciste, LGBTQIA+ ou classiste
fait partie intégrante de notre mission.
L’égalité doit être
une pratique quotidienne
un engagement concret.
Le service culturel et la mission Égalité
s’associent aujourd’hui
à l’association étudiante Handi’Rennes2
dont je tiens à saluer
la persévérance et l’énergie militante.
Ensemble, nous portons
une ambition commune
rendre visibles les rapports de pouvoir,
les déconstruire et construire pas à pas
contre l’inertie
et la lenteur des changements
une université véritablement
inclusive, accessible et émancipatrice.
Nous savons combien
ces combats peuvent être éprouvants
combien il faut
de patience et de détermination
pour parvenir
à transformer durablement les institutions
et pour faire face
à la violence systématisée et au déni.
Cette rencontre
se veut être un espace de réflexion
mais aussi un espace de lutte et d’espoir.
En écoutant Charlotte Puiseux, nous ne
faisons pas que comprendre le validisme.
Nous affirmons
notre refus de sa logique.
Nous choisissons
la solidarité, la dignité et la justice.
Je profite
de ce temps de parole pour vous inviter
à la projection qui aura lieu
jeudi soir du documentaire Crip Camp
dans cette même salle à 18 h
je vous donne rendez-vous.
Il évoque la lutte
pour les droits et l’autodétermination
des personnes handicapées.
Merci à toutes et à tous
pour votre présence ce soir.
Un immense merci à Charlotte Puiseux
pour sa présence et sa parole
qui, j’en suis certaine,
nous poussera collectivement
à penser autrement et à agir.
J’ai le plaisir de passer
la parole à Floriane Boulanger
présidente
de l’association étudiante Handi’Rennes2
partenaire essentielle de ces rencontres.
[applaudissements]
Bonjour à toustes
je m’appelle Floriane Boulanger
je suis présidente
de l’association Handi’Rennes2.
Handi’Rennes2 est une association mixte
ça veut dire qu’elle accueille aussi bien
des personnes handicapées que valides.
Elle s’organise
autour de trois grands axes.
Le premier, c’est
la création de lien social.
Il faut savoir que de fait
à cause du manque d’accessibilité
notamment
des lieux culturels et festifs
les personnes en situation de handicap
sont très souvent exlues de ces lieux
et donc sont isolées.
Notre objectif était donc
de créer des moments conviviaux
pour que toustes, valides comme handis
puissent s’amuser
échanger et se rencontrer.
Le deuxième axe, c’est l’entraide.
Ça s’est pas mal créé
autour de notre local.
La première fonction de ce local est
d’être un lieu de répit en cas de crise.
Si n’importe qui vient
et a besoin du local, il aura la priorité.
C’est aussi un local où on a
des moments de convivialité.
On peut venir manger au calme le midi
papoter avec d’autres personnes
mais aussi venir
dans le cadre de permanences
tenues par des membres du bureau.
Lors de ces permanences, il y a
une entraide humaine et logistique
mais aussi administrative
parce qu’il faut le dire aujourd’hui
les ESH ont plus de paperasse
à faire que les étudiants valides.
Donc nous, on est là pour aider
que ce soit via le Relais Handicap
mais aussi
sur les dossiers MDPH et autres.
Nous ne remplaçons pas
des assistantes sociales
mais nous partageons
nos connaissances entre nous.
Enfin, le dernier volet
est la sensibilisation au handicap
qui a évoluée de fait, à cause du contexte
vers du pur militantisme
et, quelque part, du syndicalisme.
On a une formation interne
au vivre ensemble
qui permet d’ouvrir la réflexion
puisqu’on a tout type
de handicap dans l’association.
Il faut qu’on apprenne
justement à vivre ensemble.
On a cette envie de sensibiliser
les autres personnes de la fac
que ce soit via
des actions culturelles, comme ce soir
mais on s’incruste aussi
dans les conseils de décision
pour pouvoir soulever
la parole des personnes handicapées
parce que, aujourd’hui,
elle n’est pas représentée
par les différents syndicats.
C’est un gros boulot
qu’on fait de plus en plus
et qui porte ses fruits
puisqu’on commence à avoir des acquis.
L’année dernière, le Relais Handicap
a vécu une crise majeure.
On a compris qu’on avait été
peut être un peu trop sympa jusque-là
mais que là, il fallait gueuler.
Et là, clairement
on a organisé un rassemblement
pour alerter sur la situation.
Non pas que vis-à-vis de l’université
mais aussi
plus largement à Rennes et ailleurs.
On a justement eu le soutien du collectif
handiféministe Les Dévalideuses
qui a repartagé ce rassemblement
et qui nous a soutenus
ce qui nous a fait beaucoup de bien.
Charlotte Puiseux qui est là
fait partie de ce collectif handiféministe
et fait un travail incroyable
notamment de ressources.
De manière générale, on conseille
aux personnes qui nous demandent
des ressources pour s’auto-éduquer
le livre de Charlotte Puiseux
De chair et de fer
ainsi que le film
Crip Camp qu’on projettera jeudi.
Je suis super contente
et toute l’asso est super contente
d’accueillir Charlotte Puiseux ce soir.
C’est vraiment une ressource
et ses livres sont hyper précieux.
Encore merci d’être là.
Je lui laisse la parole.
[applaudissements]
Merci beaucoup.
Je suis très heureuse
d’être parmi vous aujourd’hui.
Moi c’est Charlotte Puiseux
je suis docteure en philosophie.
J’ai aussi
une formation de psychologue
mais ce n’est pas ce qui m’amène ce soir
j’ai un peu mis cette casquette
de côté pour l’instant.
Ce qui m’amène ce soir c’est plus
mes travaux de recherche et d’étude.
Je vais vous parler
de tout ce que j’ai pu faire et étudier.
On va donc évidemment parler
du validisme, des luttes antivalidistes
du Crip et de l’handiféminisme.
Voilà ce qu’il y a au programme ce soir
et tout ce sur quoi j’ai pu travailler
durant ma thèse
et dans les livres qui ont suivis.
Là, ce sera forcément
un petit résumé de tout ça
mais j’espère que ça vous permettra
d’avoir envie
d’en savoir plus sur tous ces sujets.
Je ne sais pas
ce que vous avez comme notions
peut être que des fois j’aborderai
des choses que vous connaissez déjà
mais je vais quand même en parler
parce que ce sont des bases essentielles
et peut être que certains et certaines
d’entre vous n’auront pas ces bases
donc ça me semble
important de les évoquer.
Je vais commencer tout simplement
par la notion de validisme
qui est une notion assez récente
même si elle commence
à avoir un petit peu d’années.
C’est un mot qui reste assez peu connu
surtout en France.
C’est vraiment le cœur de mon travail
et de ce dont on va parler ce soir.
Ça me paraît important
de s’arrêter un peu sur cette définition.
Validisme est une traduction de ableism
qui est un mot anglais
apparu dans les milieux militants
notamment au Royaume-Uni
dans la deuxième partie des années 80.
Vous voyez, ça commence un peu à dater.
C’est vrai qu’en France, c’est plus récent
puisqu’on note la première occurrence
de cette utilisation en 2004
dans un pamphlet militant de Zig Blanquer
qui s’appelle
La Culture du Valide (occidental).
C’est la première fois
qu’on rencontre cette notion de validisme.
Et donc, qu’est ce que le validisme ?
Pour l’expliquer en une phrase
c’est le système d’oppression
vécu par les personnes handicapées.
Mais ça c’est vraiment la base on va dire.
Pour expliquer un peu plus
parce qu’il y a beaucoup de choses à dire
sur le validisme.
Le validisme
dans mes travaux de recherche
je l’ai expliqué en deux temps.
C’est-à-dire que pour moi
il y a le premier temps
qui va s’appeler la catégorisation.
Ça va être
l’idée d’utiliser
des tests médicaux.
Le monde médical va avoir
une grande importance
dans la définition du validisme
mais on va voir
que comme tout milieu
le monde médical
s’imprègne aussi du validisme ambiant.
C’est quelque que chose
qui tourne un peu en rond
malheureusement.
On va donc utiliser des tests
que vous connaissez sûrement.
On peut penser
aux tests physiques.
Des tests d’effort, par exemple
pour calculer les capacités physiologiques
d’un individu.
Il y a aussi des tests de QI
pour calculer la fameuse intelligence.
J’ai pas entendu, « les textes ? ».
Tests de QI.
Ah oui, ok !
Pour chiffrer
la fameuse notion d’intelligence
qui reste très discutée
mais on la calcule
par des tests, avec des normes
qui vont créer des catégories.
Ça peut être aussi
des tests psychiques.
Tout un arsenal de tests
qui vont créer des catégories.
Comme je dis, la catégorisation.
On va mettre les personnes
dans l’une ou l’autre catégorie
à savoir celle des personnes handicapées
ou celle des personnes valides
selon les chiffres
qu’elles auront obtenus
à ces différents tests.
Ça, pour moi
c’est la première partie du validisme.
Mais, entre guillemets, ce n’est pas
le plus important
Je pense
que le cœur du validisme, c’est la suite
à savoir la hiérarchisation.
À partir
de cette catégorisation qu’on aura faite
que la société aura effectuée
elle va hiérarchiser les catégories
qu’elle aura créées.
Et sans surprise
la catégorie des personnes handicapées
va être infériorisée, dévalorisée
par rapport
à celle des personnes dites « valides ».
Là, on est vraiment pour moi
dans le cœur du validisme
avec tout ce qui va en découler.
On a vraiment cette idée
que la vie des personnes handicapées
a moins de valeur
que celle des personnes valides.
Je pense que s’il y a une phrase à retenir
pour définir ce que c’est
que le validisme, c’est celle-là.
C’est cette idée
que la vie des personnes handicapées
a socialement moins de valeur
que celle des personnes valides.
Et ça, il faut vraiment avoir conscience
qu’on l’a toutes et tous intégré
y compris les personnes handicapées.
C’est ce qui justifie
par exemple le fait que…
souvent, on estime
qu’on n’a pas notre place
qu’on est moins bien que les autres
qu’on a moins de valeur que les autres.
Ça c’est du validisme
qu’on a nous-même intériorisé.
C’est parce que
le validisme est vraiment partout.
Toutes les personnes qui naissent
dans une société occidentale
telle que la France
vont dès leur naissance
être baignées dans ce validisme
vont grandir dans ce validisme
et vont l’intérioriser
comme quelque chose de naturel.
Avec cette hiérarchisation dont j’ai parlé
beaucoup de personnes vont se dire
« C’est normal qu’une personne handicapée
aie moins d’accès aux biens communs
qu’elle ne puisse pas aller à l’école
qu’elle ne puisse pas travailler
qu’elle ne puisse
pas accéder aux loisirs. »
Il y a quelque chose qui reste
de l’ordre du
« C’est normal, c’est à cause de son corps
de son esprit ou de son psychisme »
qui sont jugés défaillants.
Il y a une « déresponsabilité » sociale.
Je vais revenir sur la question
de la responsabilité sociale après.
On a tous et toutes
plus ou moins intégré cette idée là.
Le validisme n’est pas forcément…
C’est aussi
des choses extrêmement violentes.
On pense par exemple
au triage dans les hôpitaux
qu’il y a pu avoir au temps du covid.
C’était un validisme explicite et glaçant.
On disait clairement « Les personnes
qui n’ont pas telle ou telle capacité
on ne les envoie pas en réanimation
on n’essaie même pas de les sauver ».
Ça peut être des choses très horribles
le validisme peut
s’exprimer de façon très violente
envers les personnes handicapées.
Ce n’est pas que ça le validisme
c’est tout un tas d’actes quotidiens
comme je vous le disais
cette idée qu’on accepte plus ou moins
l’idée que les personnes handicapées ont
moins de droits que les personnes valides.
Ça, c’est une hiérarchisation.
Le validisme, c’est cette idée
d’un jugement moral
qui associe
les bonnes capacités au bon corps.
C’est bon ?
Il y a vraiment cette idée
comme je vous expliquais tout à l’heure
avec ces capacités évaluées par des tests.
Il y a l’établissement d’un schéma
corporel, physiologique, psychique
de ce qu’un individu
doit avoir quand il naît.
Quand un enfant naît
on s’attend à ce qu’il ou elle
ait telle ou telle capacité.
Il y a tout un plan
qui dit : « À tel âge,
iel va acquérir telle capacité
à tel âge, telle autre capacité. »
Dès que ce plan dévie
de sa structure initiale
c’est là qu’on commence à parler
éventuellement de handicap
avec tout ce que ça implique derrière
avec cette idée que l’enfant aura une vie
pas forcément épanouissante.
On peut voir des choses assez horribles
qui vont dans ce sens-là
avec ces idées d’envoyer ces enfants
en institutions spécialisées.
Soit-disant parce que
ce sont les lieux les plus adaptés
à leurs capacités à eux
qui ne correspondent pas
aux capacités
des personnes valides.
Mais des fois, on assiste aussi
à des choses encore pires.
C’est assez déshumanisant du coup.
Parce que c’est ça l’idée, en fait.
On sort les personnes handicapées
de la catégorie des personnes humaines.
Et plus la personne a un handicap…
On assiste encore une fois
à des choses assez…
Plus une personne
va avoir un handicap dit « lourd »
j’aime pas ce mot
mais c’est le mot qui est utilisé
plus on va estimer que sa vie
ne vaut pas la peine d’être vécue.
Voire même que le tuer
serait soulager ses souffrances.
Il y a ce discours
qui est véhiculé dans la société
qu’on a bien vu
avec un autre épisode plus récent
je pense qu’on en parlera forcément
parce que c’est un peu d’actualité
sur la question
de la loi sur la fin de vie.
Il faut savoir que chez Les Dévalideuses
le collectif handiféministe
que Floriane a évoqué
on a milité avec d’autres collectifs
puisqu’on a même créé
le Front de Gauche Antivalidiste.
On a milité contre
cette proposition de loi
parce que, justement, on estimait
qu’elle était totalement imprégnée de
ce discours hiérarchique des vies
et surtout
qu’elle était proposée dans un contexte
où les personnes handicapées
n’ont absolument pas les mêmes droits
que les personnes valides.
Elles évoluent dans un
environnement catastrophique
et leur proposer
comme solution l’aide à mourir
parce qu’un des sujets, parmi ceux évoqués
était le fait
que les personnes handicapées
n’étaient pas concernées
par cette proposition de loi.
On sait que les personnes concernées
par cette proposition de loi
sont des personnes
ayant des troubles graves
avec une mort imminente
à plus ou moins moyen terme.
Je n’ai plus la phrase exacte en tête.
Mais si on réfléchit un peu à la question
certes, toutes les personnes handicapées
ne sont pas malades
mais par contre les personnes visées
par cette proposition de loi
donc ces personnes malades
sont en situation de handicap.
Cette loi vise bien
des personnes en situation de handicap
et nous, au collectif des Dévalideuses
on a été plusieurs et même
dans nos sympathisants et sympathisantes
à sentir
que cette proposition de loi nous visait
parce que clairement…
par exemple, quand on prend la question
du pronostic vital engagé
on sait qu’aujourd’hui
il y a des personnes qui vivent
avec un pronostic vital engagé
depuis des décennies
mais qui, grâce à la médecine
et à des appareillages
que ce soit
des appareillages de ventilation
ou d’élimination de nourriture
peuvent vivre
tout en ayant un pronostic vital
engagé presque depuis leur naissance.
Donc en fait, c’est très compliqué
de parler de mort
à plus ou moins court terme
ou de pronostic vital engagé
et ce sont des débats réguliers
au sein du Front de Gauche Antivalidiste.
Le groupe s’est donc opposé
à cette proposition de loi.
Je vais fermer la parenthèse
sur ce sujet là.
Si vous avez des questions
on pourra en reparler, bien sûr.
En tout cas, ça a été un exemple pour nous
de validisme récent et très violent.
Et cette idée…
J’ai évoqué cet exemple
parce que le discours qui était derrière
était, comme je vous le disais
tout à l’heure
que dans ces conditions,
la vie ne vaut plus la peine d’être vécue.
En effet, beaucoup de personnes valides
se prononçaient sur cette question
en expliquant que le jour
où elles seraient en fauteuil roulant
ou dépendantes d’une tierce personne
pour les actes intimes du quotidien
elles ne supporteraient pas de vivre
et qu’elles préfèreraient
pouvoir avoir recours au suicide assisté.
On a donc ce regard des personnes valides
sur la vie des personnes handicapées
qui les déshumanise
qui estime que leur vie
ne vaut pas la peine d’être vécue.
Un dernier point
pour définir un peu le validisme
je n’aurai pas trop le temps
de le développer car c’est un vaste sujet
est la question du capitalisme
qui est évidemment
un gros vecteur de validisme
avec cette idée de productivité exacerbée
que les corps et les esprits doivent
toujours produire plus et plus vite.
Le capitalisme est aussi
un gros générateur de handicap.
Il exclut les personnes handicapées
qui sont déjà handicapées
mais produit aussi beaucoup de handicaps.
C’est, encore une fois, un vaste sujet
et je ne peux pas forcément tout expliquer
mais c’est un sujet important.
[chuchotement inaudible]
Du coup.
Ce qui est important
de dire dans la notion de validisme
c’est qu’on parle vraiment de système
car il traverse l’ensemble de la société.
C’est pas dans une composante donnée
ça serait, je sais pas…
Je dis n’importe quoi
tenez la médecine justement
mais c’est vraiment partout.
Je peux citer quelques exemples
qui sont des exemples parmi tant d’autres.
Mais pour vous donner un peu une idée
on a par exemple
la composante juridique et législative
avec plusieurs lois validistes.
Bon, les plus connues
ça va être la loi Élan par exemple
qui fait passer
de 100 % de logements neufs accessibles…
Donc, je répète, bien
on parle de logements neufs
on parle pas du bâti déjà existant
qu’il faudrait rénover.
On parle du logement qu’on va construire.
Donc l’idée
c’était que tous ces logements neufs
qu’on allait construire
devaient être accessibles.
Eh bien, grâce à la loi Élan
ce n’est plus le cas.
On est passé
à 20 % de logements neufs accessibles.
Donc aujourd’hui encore, on construit
des logements qui ne sont pas accessibles.
On produit de la discrimination
et de l’inégalité
dans l’accès au logement
des personnes handis
mais l’idée serait aussi
qu’elles puissent aller voir leur famille
et leurs amis qui vont habiter
dans ces logements non-accessibles.
Une fois de plus
elles seront exclues de la vie sociale.
Bon, il y a aussi
le fameux report d’application
du volet accessibilité de la loi de 2005.
Je ne sais pas
si vous en aviez entendu parler
mais en 2005
il y a une loi qui régit
la politique du handicap en France
et qui disait notamment qu’en 2015
tous les établissements recevant du public
se devaient d’être accessibles.
Ça n’a pas du tout été le cas.
Sans surprise.
Le problème est que les amendes
qui étaient prévues…
ont été supprimées.
Il y a eu cet abandon
de cet objectif d’accessibilité
dans les lieux publics
sans que la société
ne soit choquée plus que ça.
Donc en fait, encore aujourd’hui c’est…
c’est accepté
par l’ensemble de la société que…
que les personnes handicapées
n’auront pas accès aux mêmes lieux
que toutes les autres personnes.
Ensuite, par exemple
on en a parlé un petit peu
mais c’est vraiment important
c’est la composante médicale.
Il y a toujours la question
du manque d’accessibilité.
Ça, on le retrouve partout
mais il n’y a pas que ça
il y a aussi cette idée
dans le milieu médical
de redresser les corps jugés handicapés
et d’avoir cette d’idée
quand une personne handicapée consulte
de ne pas toujours écouter
ce pour quoi elle vient consulter
mais de considérer que le rôle
du soignant ou de la soignante
va être de redresser le corps handicapé
de le rendre le plus valide possible
ce qui n’est pas forcément ce que demande
la personne handicapée qui consulte.
C’est quelque chose que
beaucoup de personnes handis rapportent
quand elles vont consulter
et qui est évidemment très validiste.
Ensuite, les composantes culturelles
donc évidemment les questions
d’accessibilité toujours
mais aussi la question
de la représentation culturelle.
C’est un sujet hautement validiste
parce qu’on s’aperçoit que
dans les films, les livres et les séries
il y a peu de personnages handis
et surtout
qu’il y en a peu de vraiment intéressants.
Ce sont souvent des personnages joués
et scénarisés par des personnes valides
avec toutes les images
qu’une personne valide peut véhiculer
sur les personnes handicapées.
Mais il y a peu de productions
faites par des personnes handis
avec des personnes handis.
Et ça, c’est du validisme culturel
parce que la culture…
Un des points importants de la culture
est de donner des modèles,
notamment aux personnes concernées.
Par exemple, des jeunes handis
ne vont pas avoir d’images positives
auxquelles s’accrocher
pour se dire : « Bah oui
ma vie elle vaut la peine d’être vécue.
Oui je peux faire
des trucs sympas dans la vie. »
Toute cette portée culturelle
ce que la culture nous offre
de projections positives
manque aux personnes handis
ou est même négative.
Comme on l’a dit
ce sont souvent des images négatives
qui sont projetées dans la culture
ce qui est très problématique.
Dans la culture
on a souvent
la question des représentations
qui sont soit misérabilistes
soit super-héroïsantes.
C’est un peu les deux modèles qu’on a
de représentation des personnes handis.
L’un comme l’autre est problématique.
Le misérabilisme
vous imaginez bien pourquoi…
Avoir ces représentations
de personnes handicapées
qui sont méchantes, aigries
et qui ont raté leur vie
c’est toujours très, très sympa.
L’autre facette
qui est la super-héroïsation
est aussi problématique
parce qu’elle sort aussi
les personnes handis de l’humanité.
Elle les présente comme des personnes
qui auraient des super-pouvoirs
et qui seraient des super-héroïnes
qui auraient transcendé leur handicap.
Ça, c’est un mot qu’on entend souvent.
Et c’est très problématique car
c’est peut-être le cas
pour certaines personnes
qui sont en tout cas présentées comme ça.
On va penser par exemple…
aux nombreuses images de super-héroïnes
lors des Jeux Paralympiques.
Mais la plupart des personnes handicapées
ne sont pas des athlètes paralympiques.
C’est donc finalement
renvoyer toutes ces personnes
à l’idée que, si elles
ne s’en sortent pas au quotidien
c’est parce qu’elles
n’ont pas assez de volonté
ou parce qu’elles n’y mettent
pas assez du leur.
Donc pour la question
de la super-héroïsation
il y a cette question là
de savoir ce qu’on dit
à toutes ces autres personnes
qui n’auraient pas de super-pouvoir.
Eh bah on leur dit
qu’elles y mettent pas assez du leur
et qu’il n’y a pas
de problème sociétal ou environnemental.
Encore une fois, c’est leur volonté
individuelle qui n’est pas assez forte.
C’est ce discours-là qu’il y a derrière.
Il y a un manque d’accès aux biens communs
une relégation dans
les institutions spécialisées.
On en a vaguement parlé mais évidemment
la lutte défend ce qu’on
appelle la désinstitutionnalisation.
[paroles inaudibles]
C’est un enjeu majeur
des luttes antivalidistes actuelles.
Des collectifs comme
Les Dévalideuses ou d’autres
qui font partie notamment du FGA
dont j’ai parlé tout à l’heure
on est contre
les institutions spécialisées.
On suit quand même
les revendications de l’ONU.
Ce qu’on dit, ça ne sort pas…
comme je dis, d’une dizaine
ou d’une vingtaine de personnes
on s’appuie sur des rapports de l’ONU
qui expliquent
que ces institutions spécialisées
sont contraires aux droits humains.
Alors
je pense que là aussi
il y a deux temps
c’est-à-dire qu’on entend souvent
parler de violences
dans ces institutions spécialisées
des violences assez…
sur lesquelles on est
toutes d’accord, je pense.
Les maltraitances
et les violences sexistes et sexuelles
des cas quand même assez lourds.
Mais dans le rapport de l’ONU,
ce n’est pas tant de ça dont il s’agit.
Bien sûr, ça, il faut les éradiquer
et je pense
qu’on est toustes d’accord pour le dire.
Mais ce dont parle l’ONU va plus loin.
En disant que ces institutions
sont contraires aux droits humains
l’ONU explique que leur
fonctionnement même
est contraire aux droits humains.
C’est-à-dire que
le fait que les personnes handis
soient regroupées
dans un lieu souvent
isolé du reste de la société
qu’elles soient souvent entre elles
qu’elles n’aient pas le choix
de l’heure à laquelle elles vont se lever
de l’heure à laquelle elles vont manger
de qui elles vont voir
et de quand elles vont pouvoir sortir
parfois même comment
elles vont gérer leur argent.
En fait
c’est le fonctionnement même
d’une institution spécialisée
qui pose problème.
Elles n’auront pas non plus
de vie affective et sexuelle
puisque souvent, dans les règlements
des institutions spécialisées
il est stipulé qu’elles ne doivent pas
avoir de vie affective et sexuelle.
C’est donc ce que l’ONU explique
en disant
que c’est contraire aux droits humains
à savoir que personne
ne voudrait vivre dans ces conditions.
Or, il y a des personnes
qui vivent dans ces conditions
sous le seul argument
qu’elles sont handicapées.
C’est ce que l’ONU explique
en disant que ces institutions
sont contraires aux droits humains
et qu’il faut les fermer.
Alors, je sais que ça pose beaucoup
de problèmes et beaucoup de questions
mais encore une fois, ce ne sont pas
quelques collectifs antivalidistes
d’une dizaine de personnes
qui vont apporter toutes les solutions
comme je le dis toujours
c’est un vrai projet de société
de repenser l’accompagnement
des personnes handicapées dans la société.
C’est quelque chose
dont on doit toutes et tous se saisir
et qu’on doit repenser collectivement
pour proposer d’autres solutions.
Mais bon, sans surprise
on en est pas trop là aujourd’hui
puisqu’en Europe,
la France est assez pointée du doigt
pour sa politique institutionnelle.
On n’est pas très bons sur cette question
même s’il n’y a aucun pays parfait.
Je vous le dis tout de suite
aucun pays n’est parfait
mais il y a quelques pays
qui essaient des choses
qui peuvent être intéressantes.
Ce qui n’est pas trop le cas en France.
Un dernier point pour finir
sur cette question du validisme
est la question de la précarité économique
avec un taux de chômage très élevé
avec une Allocation Adulte Handicapé
en dessous du seuil de pauvreté.
Mais, encore une fois, c’est un système.
Le taux de chômage est dû au fait que
les personnes handicapées ont peu d’accès
aux emplois bien rémunérés, parce
qu’avant ils ont peu d’accès à l’éducation
encore une fois, c’est tout un…
Elles sont envoyés
dans des institutions spécialisées.
C’est vraiment un système
qui englobe toutes les sphères
de la vie d’une personne.
Voilà.
[chuchotement inaudible]
J’avais fait un petit slide sur les enjeux
de lutte contre le validisme
mais on en a déjà évoqué pas mal.
Notamment avec la question de la fermeture
des institutions spécialisées
et le développemet de ce qu’on appelle
le mouvement pour la Vie Autonome.
L’accessibilité des lieux publics
la santé, la précarité…
Une autre question
qui a beaucoup émergé ces derniers temps
est la lutte contre les violences faites
aux personnes handicapées et sexisées
et plus récemment
la question de la loi fin de vie
ou par exemple
des questions d’autodéfense sanitaire
qui sont des enjeux
antivalidistes importants.
On doit réfléchir ensemble
à comment partager l’espace public
en ces temps
de covid et autres virus qui circulent
comment on apprend
à continuer à faire des gestes barrières
à porter des masques quand on est malade
parce que ça permet de partager
l’espace public avec des personnes
qui auraient
des problèmes auto-immunitaires
ou qui seraient plus sensibles
à certains virus, et cetera.
C’est autant un enjeu de santé publique
et de lutte antivalidiste
que la question
de l’autodéfense sanitaire
qui est surtout apparue
depuis la pandémie du covid
même si c’était déjà présent
chez des personnes handis avant.
[chuchotement inaudible]
Comme vous l’avez compris, je pense
la lutte antivalidiste
c’est des luttes
qui s’opposent au validisme.
Elle commence donc
on va dire, dans les années 60-70
dans la lignée des mouvements
pour les droits civiques aux États-Unis
où est apparu ce qu’on appelle
le mouvement pour les droits civiques
des personnes handicapées
avec l’émergence du modèle social
qui va s’opposer
au modèle médical du handicap.
Il y a aussi des mouvements en France
à cette époque.
Par exemple, celui du CLH
Comité de lutte des handicapés
que vous pouvez notamment retrouver
dans leur journal
qui s’appel Handicapés Méchants
dont les archives
sont toujours disponibles sur l’internet.
Vous pouvez donc, si ça vous intéresse
retracer l’histoire de ce mouvement
de personnes handicapées
en France dans les années 70
qui est assez novateur pour l’époque
et qui est assez inspirant
pour nos luttes actuelles.
[chuchotement inaudible]
Pour ce qui est
du modèle médical du handicap
c’est un peu
ce que je vous ai évoqué tout à l’heure
soit l’idée de penser
et d’analyser le handicap
comme provenant d’un coprs, d’un esprit
ou d’un psychisme individuel
qui serait défaillant.
On est vraiment renvoyé à l’individu.
Et l’idée c’est qu’on doit soigner
redresser, guérir cet individu.
On va donc l’énvoyer dans des institutions
pour le redresser et le guérir
ou quand ce n’est pas possible
tout simplement pour le mettre à l’écart
du reste de la société.
[chuchotement inaudible]
Pour ce qui est du modèle social
qui apparaît avec cette émergence
du mouvement pour les droits civiques
des personnes handis
il vient s’opposer à ce modèle médical
sur un point fondamental
qui est de dire : « Non le handicap
n’est pas causé par un individu
dont certaines capacités
seraient défaillantes. »
Je dirais que le handicap se définit
par une expérience collective
d’un environnement inadapté.
C’est là qu’on voit apparaître
cette fameuse expression
de « personne en situation de handicap ».
Et…
ce modèle a pu aller très, très loin.
C’est à dire que certains théoriciens
et certaines théoriciennes
ont vraiment poussé l’idée
de dire que le handicap était
uniquement social, uniquement créé
par un environnement inadapté
qui a été pensé par et pour les valides
et qui ne prenait pas en compte
les besoins des personnes handicapées
mais seulement ceux des personnes valides.
Parce qu’évidemment
on se joue des rapports de pouvoir
de qui est au pouvoir
qui prend les décisions politiques
pour organiser la société.
Après, d’autres militants
et militantes ont expliqué
qu’il y avait quand même…
qu’on ne pouvait pas totalement exclure
une assise corporelle, psychique
et intellectuelle
dans la compréhension du handicap.
Évidemment, il ne s’agit pas
de revenir à un modèle médical
similaire à celui évoqué avant
mais vraiment de comprendre l’interaction
entre l’individu et l’environnement
qu’il y a toujours une part sociale
et que les rapports de pouvoir
qui se jouent dans une société
vont mettre les personnes handicapées
en difficulté et les discriminer.
Alors que, si on proposait
d’autres politiques
ou d’autres choix sociaux
on aurait d’autres résultats.
Il y a donc vraiment l’idée
d’une responsabilité sociale
des discriminations
que subissent les personnes handicapées.
Je pense que c’est vraiment ça la clé.
L’idée centrale du modèle social
est de re-responsabiliser la société
sur les discriminations
que subissent les personnes handicapées.
[chuchotement inaudible]
On arrive à un autre point important
un autre tournant
qui va nous amener à parler
du fameux mouvement crip
que j’ai évoqué tout à l’heure.
On a donc évoqué ce mouvement
pour les droits civiques
des personnes handicapées
qui était malheureusement
comme beaucoup de mouvements
tenu par des hommes cisgenres
blancs et hétérosexuels.
Et, même si, bien sûr, toutes les
questions qu’on a évoqué
sur le validisme
sur la désinstitutionnalisation
sur le mouvement pour la Vie Autonome
et cetera
sont des enjeux essentiels
pour toutes les personnes handicapées
forcément, quand vous êtes aussi
une personne
sexisée, racisée, queer
vous ne vivez pas les mêmes choses
et vous ne vivez pas les mêmes handicaps
et, surtout, le validisme
de la même façon.
Il y a eu des apports
avec les mouvements féministes.
Puisque, grâce aux mouvements féministes
on a eu l’émergence de la question
de comment reprendre possession
de son corps ? De sa sexualité ?
Ce sont des thèmes
qui vont beaucoup
imprégner les mouvements antivalidistes
et interroger sur
comment les personnes justement handis
peuvent se réapproprier
leur corps et leur sexualité.
Ce sont des enjeux
qui vont forcément se croiser
comme on l’a dit, à la question
des violences sexistes et sexuelles
qui va forcément aussi imprégner
ces mouvements antivalidistes
car on va s’apercevoir
que les personnes sexisées et handicapées
sont les premières victimes de ces VSS.
Alors que le mouvement féministe parle peu
voire pas
de cette double discrimination
qui est d’être une personne
à la fois handicapée et sexisée.
Il va donc y avoir
une nécessité de mettre en lumière
cette place spécifique
qu’ont les personnes handis et sexisées
dans la question des VSS.
Et le mouvement queer comme je disais…
Le Queer est un mouvement militant
qui émerge dans les années 80-90.
Je ne sais pas si vous savez déjà
mais comme je l’avais dit
je vais expliquer brièvement
pour les personnes
qui ne savent pas trop ce que c’est.
Le Queer est un mouvement
de personnes qui ne se reconnaissent pas
dans les normes dominantes
de genre et de sexualité
qui vont développer tout un mouvement
une théorie et des études
et qui vont, notamment, se réapproprier
ce fameux mot « queer »
qui, quand on le traduit
veut dire « étrange », « bizarre », « tordue ».
Et qui est, au final, une insulte
prononcée à l’encontre de ces personnes
qui sont lesbiennes, gays, trans.
Ces personnes vont donc décider
de se réapproprier le terme.
Elles vont s’auto-désigner queer
en disant : « Bah oui, on est queer
mais en plus c’est notre fierté
d’être queer. »
Il y a donc aussi la question de la fierté
qui rentre dans l’équation
qui est vraiment une entrée importante
et qui va aussi faire son petit chemin
dans la question
des mouvements antivalidistes.
[chuchotement inaudible]
Il y a aussi la question
de l’intersectionnalité
avec la question
des mouvements antiracistes
parce que les personnes
handis et racisées aussi
ne vont pas vivre
le validisme de la même façon.
Il y a tout un historique
sur le croisement
entre racisme et validisme
avec les questions
de colonisation, de néocolonisation…
Tout un tas de sujets qui sont spécifiques
au croisement
des questions validistes et racistes.
Ça aussi, ça va beaucoup énerver
le mouvement antivalidiste.
Par exemple
dans les spectacles
d’une troupe d’artistes
que j’aime bien citer
parce que ça change un peu
de mes références universitaires
et parce qu’iels font
un travail super beau et intéressant
qui s’appelle Sins Invalid…
Malheureusement, Patty Berne
une des co-fondatrices
nous a quittés il y a quelques mois.
Mais pour en revenir
à cette troupe d’artistes
elle avait et a toujours pour objectif
de mettre en lumière à travers l’art
les corps, les vécus et les expériences
des personnes racisées, sexisées, queers
et donc de travailler
sur toutes ces questions.
Je vous invite à regarder leur performance
sur leur site internet
si ça vous intéresse.
[chuchotement inaudible]
Voilà pour ça.
Avec tous ces apports
qui viennent se mélanger
au mouvement pour les droits civiques
des personnes handicapées
on a eu l’émergence
de ce qu’on a appelé le handiféminisme
un mot-valise
entre « handicap » et « féminisme »
qui va spécifiquement s’intéresser
à l’intersection entre handicap et genre
pour vraiment mettre en lumière
le vécu spécifique des personnes
qui vivent le sexisme et le validisme.
Pour le coup, le collectif dont on a parlé
Les Dévalideuses
c’est un peu leur raison d’être
parce qu’on est certes
un collectif antivalidiste
mais à la difference
d’autres collectifs antivalidistes
on se centre vraiment sur la question
de cette expérience
au croisement du sexisme et du validisme
puisque dans notre coordination
soit l’équipe
vraiment centrale du collectif
nous sommes toutes
en situation de handicap
et il n’y a pas d’hommes cisgenres.
On est vraiment centrées
sur ces questions d’handiféminisme.
[chuchotement inaudible]
Pour finir, je vais vous parler
du sens de ce fameux mouvement crip.
Crip, donc C-R-I-P
est une réduction
du mot anglais cripple
qui veut dire…
C’est une insulte comme le mot queer
mais qui désigne une personne
estropiée, boîteuse, infirme.
Donc, quelque chose de pas très sympa
et que les personnes valides utilisent
pour parler des personnes handicapées.
Mais, de même que pour le mot queer
il y a eu ce qu’on
appelle un retournement du stigmate
une notion philosophique.
C’est ce que je vous ai expliqué plus tôt
soit l’idée de se réapproprier une insulte
et d’en faire un sentiment de fierté.
Là aussi, comme je vous le disais
la question de la fierté
va se faire son chemin
dans les mouvements antivalidistes
parce qu’il y a aussi
cette idée de sortir de la honte
qui nous est imposée par la société.
C’est la volonté
de sortir de ces situations
dans lesquelles
nous n’avions pas de valeur
et de dire qu’on a, non seulement
le droit d’exister
mais que c’est une fierté
d’être qui on est.
Le mouvement crip va vraiment essayer
de mettre cet aspect en avant.
[chuchotement inaudible]
[chuchotement inaudible]
Alors, pour finir je vais…
Je peux continuer un petit peu
à vous parler du mouvement crip
mais c’était vraiment
le sujet de ma thèse
donc, au final je suis un peu
en train de vous parler
de ce que j’ai écrit dans ma thèse.
Je m’étais justement centrée
sur quatre notions queers.
Parce que le Crip c’est vraiment ça
un mouvement de personnes handis
qui va aller se nourir
des apports du Queer.
Ma thèse portait sur
comment à travers quatre notions queers
retravaillées par des personnes handis
on va pouvoir mettre la lumière
sur la situation
des personnes handicapées.
Il y avait cette question
du retournement du stigmate
puis la question
de la déconstruction des identités
et de la déconstruction
du fameux binarisme.
Comme vous pouvez peut-être le comprendre
dans le mouvement queer
il y a toute cette question de comment
déconstruire la binarité de genre
c’est à dire le masculin et le féminin
qui seraient deux identités
qui ne se rencontreraient jamais
et qui seraient totalement opposées.
Ce travail-ci va aussi servir
aux personnes handis à comprendre
la validité et le handicap.
À comprendre, qu’en réalité
ce ne sont pas
deux identités totalement opposées
et qu’au cours de sa vie
une personne peut à la fois connaître
la validité et le handicap
ou encore
qu’une personne peut paraître valide
mais tout de même être handicapée.
Avec cet exemple, on pense
à la notion des handicaps invisibles
qui sont un exemple assez parlant
de cette déconstruction des identités
qui interroge sur ce que la société attend
de ce que doit être
une personne handicapée.
Et on se rend compte que c’est très normé.
Le handicap pourrait être…
Je ne parle même pas du côté administratif
mais de l’esprit collectif.
Qu’est-ce qu’on attend
d’une personne handicapée ?
Souvent on s’attend
à ce qu’elle soit en fauteuil
ou qu’elle ait une canne blanche
en tout cas quelque chose
d’assez visible de l’extérieur.
Donc, quand une personne
n’a aucun signe visible de handicap
on ne peut pas imaginer
qu’elle peut être handicapée.
Cela va avoir des conséquences
assez compliquées pour elle
parce qu’elle est dans une situation
où, entre guillemets
elle peut parfois passer
pour une personne valide
mais au prix
de sacrifices très importants.
Ce sont ces questions-là aussi
qu’interrogent
la déconstruction des identités
et la volonté de défaire les binarismes.
[chuchotement inaudible]
Le troisième point était
la notion de la performativité.
De même que tout à l’heure
si l’on prend le mot « performativité »
dans son contexte queer
c’est justement, comment encore une fois…
Ça recoupe un peu
ce que l’on vient de dire juste avant.
Soit, qu’est-ce qu’on attend
d’une personne désignée
comme homme ou femme ?
En effet, on va s’attendre
à certaines caractéristiques physiques
à certaines
caractéristiques comportementales.
Et ce sera la même chose
pour les personnes handis
et les personnes valides.
Encore une fois, l’exemple des personnes
qui ont un handicap invisible
est assez « intéressant »
parce qu’il illustre bien
cette question de performativité.
Encore une fois, une personne
peut être handicapée
mais va performer la validité
pour par exemple
ne pas subir de discrimination
ou de jugement négatif.
Ou à l’inverse, des fois, il y a aussi
des personnes qui ont des handicaps
mais qui ne correspondent pas
à ce qu’attend la société
et qui vont du coup devoir performer
d’autres types de handicap
pour pouvoir entrer dans
la catégorie des personnes handicapées.
C’est toutes ces questions
sur la façon dont la société construit
les identités des handicapés valides.
Le dernier point est
celui de l’idéal régulateur.
Bon, ça pareil, j’en ai parlé
un petit peu au début.
L’idéal régulateur dans la théorie queer
c’est l’hétéronormativité.
C’est cette idée de dire que
comme je vous expliquais tout à l’heure
pour la validité, une personne naît
en étant attendue hétérosexuelle.
Tout comme elle sera attendue
comme étant valide.
Donc qu’est-ce qui se passe
quand le plan se défait ?
Comment on peut en sortir ?
On parle d’idéal
parce qu’il y a l’idée que
si on ne suit pas ce chemin
c’est forcément un échec.
On va forcément être triste.
Comment on peut justement sortir
de ce plan qui nous est destiné
et être heureuse et heureux quand même ?
C’est donc comprendre
que ce sont des constructions sociales
qu’il y a des possibilités d’en sortir.
Voilà, c’est toute cette analyse
de la validité
comme idéal régulateur
et cette réflexion
concernant toutes les possibilités
qu’on a de pouvoir sortir
de cet idéal régulateur.
Pour conclure, ce que
je peux faire, c’est vous lire
le résumé
de mon premier livre
qui a été le titre de cette
conférence d’aujourd’hui.
De chair et de fer
Vivre et lutter dans une société validiste
Il est sorti en 2022
donc il commence à un petit peu dater.
J’ai sorti un deuxième livre
fin août de cette année
donc qui est plus actualisé on va dire.
Mais après ce sont deux formats un peu
différents, parce que dans le premier
j’utilisais mon travail de recherche
et mon expérience personnelle
alors que dans le deuxième
que j’ai co-écrit avec
une autre militante antivalidiste
Chiara Kahn
on s’est vraiment axées
sur un travail sociologique et historique.
On n’a pas parlé de nos propres vécus
de personnes handis.
Donc ce sont deux travaux différents.
Je vais vous lire le résumé du premier.
[chuchotement inaudible]
« Dès l’instant où je suis née
j’ai porté sur moi
les marques évidentes du handicap.
Ma relégation aux marges de la société
s’est alors installée irrémédiablement
et il semblait naturel
que mon existence se déroule
en bas de la hiérarchie
des vies humaines.
Mais ce destin tragique
n’a rien de naturel.
Il est écrit par une société
qui érige des normes
à coup de mesures égales
et d’examens médicaux
et exclut
certains corps, certaines vies.
Aller à l’école, travailler,
se loger, tomber amoureuse
se déplacer, militer, élever des enfants.
Toutes les activités qui font de nous
des êtres sociaux
sont très difficilement accessibles
aux personnes handicapées.
Plus que nos corps et nos esprits
ce sont les structures sociales
qui entravent nos vies.
Dans cet essai autobiographique
je retrace cette histoire de violences
et de discriminations
dont j’ai hérité et décrypte
le système idéologique qui les soutient
le validisme.
Mais je raconte aussi que nous
les personnes handicapées, pouvons
nous réapproprier cette histoire
et faire de nos identités
des outils de lutte pour une émancipation
et des sources de fierté. »
[applaudissements]
Nous allons prendre un petit temps
d’échange avec le public et des questions.
D’abord, merci à Angèle et Kim
pour la traduction.
Avec la difficulté
de son de ce soir.
Et merci Charlotte
pour cette conférence.
On fait passer le micro
pour l’enregistrement
puisque c’est capté comme toujours.
Je voulais aussi signaler
avant que j’oublie
que notre librairie partenaire devait
être là ce soir pour ceux et celles
qui voulaient acheter
le livre de Charlotte
mais il n’y a pas
de grèves qu’à Rennes 2.
Son transporteur a eu une grève
elle n’a pas reçu les livres
elle les reçoit demain.
Donc il sera toujours temps
d’acheter le livre de Charlotte
mais demain à la librairie Comment dire
métro République.
Navrée pour ce contretemps.
N’hésitez pas.
Il y a donc Sarah et Sarah, les deux Sarah
qui sont là pour vous tendre le micro.
Anne-Marie.
Je m’appelle Anne-Marie
je suis une ancienne collègue
des deux personnes
qui sont là pour traduire.
Mais avant tout, je suis référente
au niveau de la Bretagne
pour les personnes sourdes et aveugles.
Alors pour certaines personnes
vous devez connaître Hélène Keller
et Marie Heurtin
parce qu’il y a eu des films…
Pardon, excuse-moi Angèle.
Il y a eu des films qui ont été faits
sur ces deux personnes-là.
Il faut savoir qu’en France
la MDPH demande à ces personnes
de choisir le handicap le plus probant.
[paroles inaudibles]
Non, ça n’a pas changé.
[paroles inaudibles]
Ah oui, mais ça n’a pas changé
dans les faits. Il n’y a pas le décret.
Le décret d’application n’est pas fait.
Donc excusez-moi, mais…
[paroles inaudibles]
On vous a demandé de choisir
si vous êtes plus déficiente auditive
ou plus déficiente visuelle ?
[paroles inaudibles]
Bah c’est encore le cas
dans certaines MDPH.
Donc il faut faire
un recours pour dire
« Non, la surdicécité est un seul handicap
avec plusieurs handicaps associés. »
Effectivement, ce décret-là
qui est visiblement
très peu en application
fait partie d’une loi antivalidiste
très importante.
Une loi Sarkozy, c’est bien
maintenant il est en prison
qui proposait aux parents
dont l’enfant naissait
déficient auditif
de l’implanter.
Sans vraiment leur proposer
d’autres solutions.
Donc, il faut quand même savoir
qu’un enfant sourd qui est élevé
dans la langue des signes
avec cette culture
qui leur permet une ouverture
culturelle plus importante
qu’une béquille implantée dans leur tête
qui va les gêner considérablement
dans leur vie intime, sportive, sociale
même si on va leur
apprendre à parler.
Cette loi-là est toujours
d’actualité elle aussi.
Donc encore des lois validistes
qui sont créées
par des hommes blancs
avec des Rolex au poignet.
Je voulais juste vous informer de ça
en plus pour rebondir sur votre discours.
Merci.
Après justement concernant
la MDPH, aux Dévalideuses
on a fait une grande enquête…
enfin pour nous c’était grand déjà
parce que justement
on a voulu récolter des témoignages
des violences subies au sein
de la MDPH qui sont énormes.
On pourrait en parler sur
une autre conférence tellement
il y aurait à dire.
En quelques semaines
on a eu plus de 500 témoignages
et on s’est associé
à des journalistes de Mediapart
pour ensuite faire
une vraie enquête entre guillemets.
C’est pas nous qui avons fait
l’enquête, c’est eux.
Iels ont sorti des articles
sur ces questions.
On a fait un plateau Médiapart
en juin dernier justement
pour dénoncer les violences
au sein de la MDPH.
Y a t il d’autres questions ?
Julien.
Bonjour. Merci beaucoup
pour l’intervention
qui était vraiment passionnante
Je profite que vous êtes pleines
de ressources
pour nous dire si vous avez des conseils
justement de films, séries
qui sont éthiques
du point de vue de
la représentation des personnes handis.
Oui, il y a une série
qui est très bien
qui s’appelle Un mètre vingt.
C’est une série argentine
qui a quelques années maintenant
quatre ou cinq ans.
Mais elle est vraiment très, très bien.
Justement parce que
elle est écrite par des militantes handis.
Le personnage principal
est une jeune fille
une ado, une lycéenne en fauteuil
qui est vraiment handi.
Ça raconte
sa vie d’adolescente, de lycéenne
qui veut découvrir l’amour
qui veut militer
qui veut avoir ses amis.
Donc c’est vraiment une série
intéressante et chouette.
Après, sur les documentaires
vous avez Crip Camp.
Vous avez…
Je me rappelle jamais
du titre en français.
En anglais c’est
Then Barbara met Alan.
Ils ont fait une traduction en français
qui n’a rien à voir.
Je crois quoi que c’est
Tout commence avec nous.
C’est un docu-fiction
qui raconte la période dans
les années 80 au Royaume-Uni
de l’émergence
d’un collectif antivalidiste
qui va un peu changer l’histoire
des personnes handis dans ce pays.
Pour les séries, il y a Latecomers
qui est sortie il y a pas très longtemps.
C’est une série australienne.
L-A-T-E-C-O-M-E-R-S
Voilà, après…
Je refléchis.
Dans notre dernier livre
avec Chiara, on a essayé…
J’avoue, je n’ai pas tout en tête
mais justement à la fin
on a essayé de mettre des références
assez diverses de films et de livres.
Je vous invite à regarder du coup
parce que je n’ai pas tout dans la tête.
D’autres remarques, questions ?
Bonsoir. Est-ce que
vous m’entendez bien avec le masque ?
Oui, j’ai une question.
Est-ce que vous vous intéressez
au domaine des
Queers Death Studies ?
Est-ce que vous voyez
ce que c’est ?
Et si c’est le cas
est-ce que vous connaissez
des chercheuses, chercheurs
ou des personnes
qui s’intéressent particulièrement à
ces Queers Death Studies
mais en lien avec
la question du handicap ?
Ou justement des questions plus…
Non, pas plus que ça, désolée.
Merci.
Profitez-en !
Merci beaucoup pour la conférence
ça fait trop plaisir.
Du coup, ça nous fait vraiment plaisir
de parler du retournement du stigmate
parce que c’est vrai que dans la pratique
on n’utilise plus trop
« personne en situation de handicap »
même si c’est bien
pour montrer le modèle social.
Aujourd’hui ça a été tellement utilisé
par des partis et autres comme étant
un mot politiquement correct
mais qui au final sont des partis
des syndicats et tout ça
qui n’ont aucune action antivalidiste.
Aujourd’hui, on utilise pas mal
« personne handicapée ».
On met quand même « personne » devant
parce qu’on est une personne.
Mais c’est vrai qu’aujourd’hui dire
« Je suis handicapée », ça choque.
Et même, il y a aussi des handicaps
qui sont plus connotés
négativement que d’autres.
Je vois moi qui ai plusieurs handicaps
différents, je sais que je fais le choix
parce que j’ai la chance
de pouvoir avoir un passing
de personne valide
et de parfois en dire un mais pas l’autre.
Mais c’est pas normal.
Et du coup, je voulais
aussi dire qu’aujourd’hui
on est heureux de voir
qu’il y a de plus en plus de personnes
en situation de handicap
qui arrivent à la fac.
Donc c’est sûr que les lois
pour aider à l’aide humaine
notamment les AESH dans
le secondaire, ont aidé
à ce que des élèves handicapés arrivent
jusqu’au baccalauréat.
Même s’il y a énormément
de choses à faire pour améliorer
et que la condition économique
des AESH est scandaleuse.
Mais c’est vrai que nous
on se retrouve à la fac à avoir quasiment
aucune politique nationale du handicap
à part avoir un document
qui résume la politique du handicap
de l’établissement, le SDH
et avoir
un responsable du handicap de la fac
et avoir un SSE
c’est-à-dire un service de santé.
Mais en fait, en soi
un service de santé, c’est un peu tout.
Et c’est vrai que là
rien que de mon expérience
et celle de l’ancienne présidente
de l’asso, ça fait six ans qu’elle est là.
On constate tous les ans
plein de gens qui arrivent en L1
qui viennent nous voir
et qui sont là
« Du coup, je fais comment
pour avoir une AESH à la fac ? »
Et t’es là, « Bah tu peux pas.
Il n’y a pas d’aide humaine
qui est proposée par la fac
donc faut que tu passes par la MDPH. »
Et si t’as 18 ans, tu vas être
sous le joug de tes parents.
Visiblement, quand on est handicapé
notre majorité est à 20 ans
selon la MDPH.
Je sais pas pourquoi.
« Donc attends 20 ans
fais ta demande », en Ille-et-Vilaine
on est sur un an et demi d’attente.
« Peut-être que tu n’auras
pas besoin de faire de recours.
puis trouve quelqu’un
pour ton aide humaine. »
En fait, la personne commence
sa licence, elle a 21, 22 ans.
Donc c’est vrai que nous on est
un peu effarés face à ça.
Et à la fois, ce qui fait plaisir
c’est qu’il y a de plus en plus
d’associations étudiantes
antivalidistes qui se créent à Paris.
Il y en a eu plusieurs.
Il y a eu P8, il y a eu
une asso étudiante antivalidiste
à l’IEP de Paris.
Il y a notamment des initiatives
comme la Mad Pride
qui a eu lieu partout en
France le weekend dernier.
Du coup ça fait plaisir
les choses bougent.
En tout cas dans le milieu universitaire
et pas que, bien entendu.
Mais c’est vrai que pour l’instant
nous sommes très pessimistes
sur le fait que
les ESH arrivent à la fac
mais dans les faits
ils n’ont pas leur diplôme en fait.
Je voulais savoir
si vous aviez un peu
des pays ou autres
ou des exemples d’universités
qui soient réellement accessibles
aux personnes handis.
C’est vrai que là on est un peu
entre nous, à faire comme on peut
mais on n’a pas forcément de modèle quoi.
Après sur les études supérieures
non, j’ai pas trop de modèle en tête.
Après je sais que sur la scolarisation
par contre
en Italie, il y a eu des choses
assez intéressantes qui ont été faites.
Mais du coup c’est
avant les études supérieures.
Sur les études supérieures
j’ai pas trop de pays comme ça
qui me viennent en tête.
Mais après sur ce que tu disais
sur le retournement du stigmate
et l’utilisation des mots
c’est vrai que…
J’ai souvent cette question
quand je fais des conférences
on me demande :
« Quel mot faut-il utiliser ?
Faut-il dire personne handicapée
ou personne en situation de handicap ? »
Du coup, c’est vrai
que c’est vraiment comme je dis
je suis assez fan, j’aime beaucoup la
question du retournement du stigmate
donc je serais pour dire
« personne handicapée »
parce qu’on n’a pas à avoir honte
d’être handicapée, au contraire.
Donc il y a toute cette question
du retournement du stigmate
sur le côté négatif que peut avoir ce mot.
Mais après, je sais que d’autres
personnes handicapées n’aiment pas trop
utiliser ce mot et préfèrent
dire « personne en situation de handicap ».
Donc c’est un large débat.
Bonjour, je suis sourde.
Concernant le modèle
en études supérieures, j’en ai un.
Il est unique au monde.
C’est l’Université de Gallaudet
aux États-Unis
qui est entièrement en ASL.
Il y a des milliers d’étudiants
dans cette université.
C’est mixte, c’est en langue
des signes et en langue orale
sur le campus
on peut voir plein de gens qui signent
et c’est vraiment un modèle égalitaire.
Et d’ailleurs beaucoup de sourds en France
essaient de faire leurs études supérieures
à Gallaudet pour cette raison.
Parce qu’en réalité l’ASL est assez proche
de la LSF, donc c’est un vrai modèle.
Donc, l’Université de Gallaudet
si vous voulez chercher.
Voilà, on en a un modèle
c’est possible de le faire.
Merci.
Merci beaucoup
pour votre intervention
très forte, sur tous les axes.
Moi j’avais une question aussi
plutôt, qui s’adresse à Handi’Rennes2
sur la problématique
de l’inclusion numérique et du handicap.
Au jour d’aujourd’hui
les outils numériques évoluent beaucoup
et n’écoutent pas toujours
le problème du handicap sur divers axes
notamment la malvoyance.
Y-a t’il des travaux qui sont faits
des interrogations qui sont menées
ou des échanges aussi avec l’UEB
donc Beaulieu
sur cette problématique-là ?
Je peux juste vous dire
qu’on a fait un live Twitch
il y a une semaine
je crois, sur cette question-là
avec Les Dévalideuses
sur l’accessibilité numérique
vous pouvez sûrement le revoir en replay
sur notre chaîne Twitch du coup
mais après je laisse Floriane répondre.
Justement, c’est une super ressource.
Nous, à Handi’Rennes2, on est quand même
une association étudiante
on n’est pas le Relais Handicap
on n’a pas les mêmes moyens
on n’a pas les diplômes et le même temps
non plus pour s’y consacrer
mais en effet, on a des pratiques
d’accessibilité numérique
et aussi d’accessibilité visuelle
car rien que sur les réseaux sociaux
tout ça, il y a pas mal de choses à faire.
Je sais que ce sont aussi des choses
qui sont en discussion à la fac
sur l’accessibilité numérique
donc ce sont des travaux
on est plutôt au début
mais ça part bien.
C’était aussi dans le projet EMERGE
qui est un projet européen
qui voulait justement
mettre en avant ces recherches-là
ça avance doucement, mais ça avance.
Après, dans les faits,
pour nous l’accessibilité numérique
c’est permettre à toutes les personnes
qui ne peuvent pas se déplacer
car elles sont en institution ou autre
de proposer d’être en double modalité
pour les événements
selon les besoins spécifiques
des personnes.
Parce que c’est toujours ça en fait
on n’est pas tant que ça
à Handi’Rennes2.
On s’habitue, voilà
on fait en sorte
si la personne préfère Zoom car elle
a ses habitudes, on va aller sur Zoom.
On fait au cas par cas pour l’instant
parce qu’on n’a ni le temps
ni l’expertise pour produire un contenu
comme un tutoriel comme l’ont fait
Les Dévalideuses sur Twitch.
J’ai une nouvelle question.
Sur le terme « crip ».
C’était pour savoir…
quand j’en ai entendu parler
c’était souvent par des personnes
qui avaient des handicaps plutôt physiques
donc en fauteuil roulant ou avec…
des problématiques physiques.
Et je voulais savoir
si ce terme
était aussi utilisé par
des communautés de personnes
avec par exemple des troubles psychiques
ou neurodéveloppementaux.
Voilà.
Après dans son livre
il n’y a pas de traduction en français
mais Alison Kafer évoque justement
des situations de personnes
qui ont des handicaps
dits intellectuels ou psychiques.
Elle évoque ces personnes et leur histoire
dans son bouquin
Feminist, Queer, Crip.
Je crois que c’est dans cet ordre-là.
Donc après, oui
j’ai cet exemple-là en tête.
Après, c’est vrai
qu’il y a toute la question
comme Floriane l’a évoqué
de la Mad Pride
je sais qu’il y a un mouvement
de ce côté-là
pour justement, aussi
tout ce qui est plus handicap psy.
Après le mot crip en France
est encore très, très peu utilisé
on est vraiment au début
de son utilisation.
Donc je pense
qu’il y a beaucoup à faire de ce côté-là
pour qu’on se réapproprie
nous en France, ce mot-là.
Parce que même…
Je vois avec Les Dévalideuses, on essaie
de promouvoir un peu ce mot-là
mais on l’utilise pas tant que ça
car on sait que ça va pas forcément
être compris par notre public.
Bonsoir, merci beaucoup
pour votre présentation.
J’avais une question.
J’ai la sensation que depuis quelques
années on parle beaucoup d’inclusion.
C’est un terme et une notion
qui est assez en vogue
notamment l’inclusion scolaire.
Je voulais savoir si selon vous
c’était signe d’une prise de conscience
de la nécessité
de rendre accessible et d’inclure
ou si c’était de la poudre aux yeux ?
Après, il y a plusieurs choses
qui me viennent en tête
pour votre question.
C’est qu’il y a toujours cette question
de se dire
quand on inclut quelqu’un
est-ce qu’on lui demande de s’adapter
ou est-ce qu’on rend
vraiment son environnement…
est-ce qu’on adapte vraiment
son environnement ?
C’est cette question qu’il faut
se poser déjà quand on parle d’inclusion
parce que malheureusement, souvent
on demande quand même
beaucoup à la personne handicapée
de s’adapter à son environnement
et on n’arrive pas trop à faire l’inverse
le mouvement inverse, soit
adapter l’environnement à la personne.
Après sur la question plus générale
« est-ce que c’est de la poudre aux yeux ? »
Comme je l’ai dit, quand on me pose
cette question aussi sur les avancées
en me disant « c’est quand même mieux
maintenant qu’avant, il y a des avancées… »
Je ne pense pas que ce soit linéaire
je pense qu’il y a eu des avancées
mais qu’il y a eu aussi des reculs.
Ce n’est pas parce qu’on est en 2025
que c’est forcément mieux qu’avant.
Il y a eu des périodes
où ça a pu être mieux
puis d’autres où c’était moins bien.
Mais peut-être que demain,
en 2026, ce sera moins bien
parce que malheureusement
la politique actuelle n’engage pas
à être très optimiste.
Donc ce n’est pas linéaire
il y a des moments où dans l’histoire
il y a eu des avancées importantes
puis il y a eu des reculs.
On le voit aussi à travers la loi de 2005
c’est-à-dire que pour beaucoup
la loi de 2005 était porteuse d’espoir.
Au final, bon…
En plus, cette année on a fêté ses 20 ans
et on se rend compte qu’en fait
il y a eu beaucoup de déceptions
sur plein de choses
et qu’en plus cette loi
n’était pas si novatrice que ça.
C’est-à-dire qu’au final
si on met en perspective,
au niveau international, en 2005
il y avait déjà beaucoup de choses
qui se faisaient ailleurs
dont la loi de 2005
ne parle même pas.
En France, ça nous paraissait
novateur à l’époque
mais au final, pas tant que ça.
Après, ça a quand même
amené certaines choses.
Et puis il y a des choses
qui ont été détricotées.
Il y a des choses qui étaient promises par
la loi qui n’ont pas été mises en place.
Et d’autres choses
qui n’étaient même pas abordées
alors qu’au final, ça aurait dû l’être.
Donc voilà
je pense que ce n’est pas linéaire
ce n’est pas juste « c’était mieux avant »
ou « c’est mieux maintenant ».
Il y a des avancées et il y a des reculs
mais je pense qu’il faut toujours
être très vigilante sur ce qu’il se passe.
Tout en haut, il y a une question.
[paroles inaudibles]
Ce n’est pas une question
mais une recommandation.
Tout à l’heure, quelqu’un parlait
de l’université
pour personnes sourdes aux États-Unis
et il y a un documentaire
sur cette université
qui s’appelle Deaf President Now!
« deaf », D-E-A-F
qui raconte l’histoire de cette université
et de comment les étudiants
se sont battus pour avoir
un ou une présidente sourde
parce que ça n’était encore jamais arrivé
dans les années 80.
Du coup voilà
c’était pour recommander ça, c’est super !
Merci.
On repasse sur le micro à Handi’Rennes2
et je pense qu’on va clôturer sur…
sur vous.
J’ai une question un peu plus générale
si quelqu’un a des réponses
dans la salle.
Quand je me suis intéressée
pour faire un dossier MDPH
en Ille-et-Vilaine
je suis allée regarder
les rapports qui montrent
les statistiques année après année
par MDPH, sur leur délai de réponse
et aussi sur les droits
qu’ils attribuaient ou non aux gens.
Et l’Ille-et-Vilaine est vraiment
enfin, si je ne me suis pas trompée
dans ce que j’ai vu
la pire MDPH de France.
En tout cas, elle paraît…
sur le papier, elle paraît vraiment
très, très, très en retard dans ses délais
enfin, c’est astronomique.
Du coup, je voulais savoir
si quelqu’un ici
avait des réponses à ce sujet
sur pourquoi c’était aussi fort
comme écart avec les autres MDPH ?
Voilà.
Je ne suis pas à la MDPH d’Ille-et Vilaine
parce que j’habite à côté, dans la Manche
et ce n’est pas beaucoup mieux non plus.
Du coup, sache qu’il y a un an
on a fait une manif devant la MDPH 35
et Charlotte Puiseux était là
parce que c’était une des pires de France
et aujourd’hui c’est la numéro un.
Et donc pourquoi
par rapport à d’autres MDPH
ils vont dire que
le ratio de salariés par dossier diffère.
C’est vrai, il y a énormément
de dossiers en Ille-et-Vilaine.
Après il faut aussi
voir la politique de la MDPH 35.
La présidente de la MDPH,
je ne sais pas comment on dit
qui n’est pas disponible.
Même quand le Relais Handicap à la fac
veut la voir, elle ne répond pas.
C’est complètement lunaire.
C’est très fermé, c’est une gestionnaire
j’ai regardé son CV
et il n’y a rien sur le handicap.
Du coup on a réussi à la voir
grâce à ce rassemblement
parce que ça a fini en sit-in.
On en arrive là.
Du coup on l’a vue, elle était paniquée
et elle a fait…
enfin bref, elle a voulu scinder
pour pas qu’il n’y ait plus que ça
mais c’est vraiment…
ils veulent pas, c’est entre eux.
Et puis il faut voir la représentation
des personnes handicapées
au sein de la MDPH
qui est quasi inexistante
parce qu’il y a conflit d’intérêts.
Donc il y a plein de problématiques.
Après, il y a des problématiques plus
larges sur les MDPH en général
et il y a justement pas mal de contenu
là-dessus sur le compte des Dévalideuses
suite aussi à l’enquête
sur les violences.
C’est pour ça qu’on
s’entraide à Handi’Rennes2
parce qu’on commence à développer
un savoir expérientiel
où on sait que des fois, il faut mettre
tel mot et pas l’autre.
On sait que pour les demandes de PCH
tu vas forcément te taper un recours
c’est systématique.
C’est déprimant
mais on essaie de faire front ensemble
de se soutenir parce que c’est pas facile.
Et pour rebondir sur ce que tu disais
tout à l’heure sur le terme « crip »
je pense que tout le
monde devrait pouvoir l’utiliser
mais le mot « crip » est utilisé
par des personnes qui sont antivalidistes
et toute personne handicapée
n’est pas antivalidiste.
Et ça interroge beaucoup car en France
on ne s’identifie pas
au terme « personne handicapée »
parce qu’on on est éclaté par pathologie.
Je voulais donc demander à Charlotte
comment faire communauté
autour de cette catégorie
des personnes handicapées.
Une bonne question.
Mais c’est vrai que c’est un sujet
qu’on a traversé avec Chiara
quand on a écrit notre livre
parce que justement
un des objectifs de ce livre
était vraiment de mettre en lumière
le Crip en France.
Donc qu’est-ce qui pouvait se faire
aussi bien au niveau artistique
qu’au niveau universitaire ou militant ?
Et comme tu le dis, on s’est demandé
où on allait vraiment
si on parle, par exemple
d’influenceureuses
qui ont des millions de vues
sur Insta et autres
mais qui ne sont pas forcément
ou ne se revendiquent pas forcément crip
et qui vont même des fois
avoir un discours un peu opposé
à celui que l’on peut défendre, nous
en tant que militantes antivalidistes
notamment sur la question
de la super-héroïsation
qui vont mettre en avant leur côté
super-héros ou super-héroïne
alors qu’on explique
que ce n’est pas bien justement.
Donc c’est vrai
qu’on s’est demandé où poser la limite.
Mais je te l’accorde
c’est vrai que ce n’est pas facile
mais on s’est aussi dit
que c’était des personnes
qui comptaient malgré tout
dans la culture handi
et qu’on devait quand même
les prendre en compte
et peut-être aussi accepter
qu’on n’est pas toutes et tous d’accord
mais que…
C’est quelque chose qui me manque un peu
dans le milieu antivalidiste des fois
la bienveillance
c’est-à-dire s’accepter
même si on n’est pas totalement d’accord
et de réussir à discuter ensemble sans…
sans se crier dessus
ou sans s’insulter.
Et ça, c’est très difficile des fois.
Donc c’est vrai que ça pose des questions
mais en tout cas je pense
que c’est important qu’on essaye
de renouer le dialogue entre ces personnes
qui ne sont pas totalement
sur la même longueur d’onde que nous
sans pour autant qu’on passe
pour des personnes en accord avec elles
parce qu’il suffit de parler
avec quelqu’un en désaccord avec nous
pour après entendre dire
« Oh, mais au fait t’as parlé avec untel
c’est que t’es d’accord avec. »
Alors que non, on a juste essayé
de parler avec la personne.
Donc oui
qu’on réfléchisse un peu sur
une façon de travailler ensemble
malgré nos oppositions
sur certains sujets.
Je pense que même
si on n’est pas toutes et tous d’accord
on a des ennemis bien plus importants
et que si, entre guillemets, on commence
à s’entre-tuer
on peut se demander ce qui nous attend
surtout dans le contexte politique actuel
avec la montée de l’extrême droite.
Je pense qu’on a des ennemis
beaucoup plus importants
que les influenceureuses handis
qui ne sont pas forcément
sur la même ligne que nous
mais qui sont quand même des personnes
qui peuvent nous aider dans notre combat.
[applaudissements]
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