Les discriminations dans l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR)
Table ronde inaugurale - 10 ans des Mardis de l'égalité
Table ronde inaugurale – 10 ans des Mardis de l’égalité
À l’occasion des 10 ans des Mardis de l’égalité, cette table ronde inaugurale marque le lancement d’une année de mobilisation renforcée autour des enjeux d’égalité et de lutte contre les discriminations dans l’enseignement supérieur et la recherche. Institution publique de savoir et de formation, l’université a un rôle déterminant à jouer dans la construction d’une société plus juste et inclusive. Pourtant, elle reste traversée par des inégalités structurelles persistantes : sexisme, racisme, validisme, LGBTphobies, discriminations sociales, entre autres. Face à ces réalités, il est plus que jamais nécessaire d’interroger, de consolider et d’amplifier les politiques d’égalité dans toutes leurs dimensions.
Animée par Christine Rivalan Guégo, ancienne présidente de l’Université Rennes 2 et initiatrice du cycle des Mardis de l’égalité, cette discussion réunira Philippe Liotard, ancien président de la Conférence Permanente des chargées et chargés de mission Égalité et Diversité – CPED, Louise Bourgoin, chargée de projets Discriminations et Égalité dans le supérieur de l’Observatoire National des Discriminations et de l’Égalité dans le Supérieur – ONDES / Vice-Présidence Égalité, et Fabrice Dhume (sociologue). Ensemble, ils et elles dresseront un état des lieux critique des discriminations dans l’ESR, questionneront les politiques publiques en place, leurs angles morts et leurs limites, et proposeront des pistes concrètes pour renforcer les dynamiques de transformation vers une université réellement inclusive
Transcription
Bonsoir à tous et à toutes. Je suis ravie de vous retrouver en ce début d’année pour une nouvelle saison des Mardis de l’égalité. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, chaque année on propose ces rendez-vous autour des questions d’égalité lors de rencontres, d’échanges et de débats. Cette année encore, une fois par mois de septembre à avril, nous aurons l’occasion de partager ces temps de sensibilisation et d’information. Ces rencontres sont filmées et retranscrites puis mises en ligne sur l’aire d’u et sur la chaîne YouTube de Rennes 2 afin de les rendre accessibles au plus grand nombre. Et cette année, on a dix ans. Dix ans que Rennes 2 s’engage pour l’égalité, la diversité, l’inclusion et qu’elle se mobilise dans la lutte contre les stéréotypes les discriminations et les violences. C’est pour moi l’occasion de remercier le service culturel et Sarah Dessaint à qui l’on doit la programmation culturelle de l’université dans laquelle s’inscrivent les Mardis de l’égalité. Ces Mardis nous emmènent sur des réflexions des débats de grande qualité mais entrent aussi en résonnance avec les autres RDV de la saison culturelle que je vous invite à découvrir. Je tiens aussi à remercier Sarah Ansari qui coordonne la mission Égalité de Rennes 2 pour sa collaboration sur la programmation des Mardis. La proposition qui est faite pour cette saison est le fruit de leur travail à toutes les deux. Puisque je suis dans les remerciements, je tiens à saluer l’équipe du CREA et à les remercier pour leur soutien technique condition indispensable à la réussite de chaque événement. Vous avez peut-être pris à l’entrée le livret qui regroupe les informations sur la programmation de cette dixième saison. Cette année, huit rencontres nous inviteront à la réflexion et à l’échange. Il n’est pas aisé de rassembler toutes les problématiques que nous aborderons au fil de cette saison. Les Mardis interrogeront les différentes formes de discrimination et rapports de domination avec un accent porté sur la manière dont ces rapports traversent le genre la classe, la race, le handicap, le monde universitaire et le travail ou encore la création artistique. Ainsi, Charlotte Puiseux viendra présenter son livre De chair et de fer, où sa lecture autobiographique nous amènera à déconstruire les mécanismes du validisme de notre société. Christèle Fraïssé, elle, interrogera cette même société par le prisme des discriminations LGBTQI. Ce sera l’occasion d’un partenariat avec l’INA l’Institut National de l’Audiovisuel qui mettra à disposition pour ce Mardi ses archives. Notre approche se resserrera ensuite pour aborder les parcours singuliers. Marwan Mohammed viendra croiser la question du racisme et des discriminations liées à l’origine sociale à travers l’analyse des vécus de jeunes issus des quartiers populaires. Nous ferons un petit focus sur des parcours de femmes avec une table ronde animée par Gaëlle Debeaux autour d’un dialogue entre deux romancières Louise Chennevière et Adèle Yon sur le thème des questions féministes à travers la fiction littéraire. Puis, nous recevrons Léane Alestra qui viendra porter la réflexion sur ces femmes au coeur de l’extrême droite qui récupèrent les luttes féministes à des fins identitaires et xénophobes. Haude Rivoal sera ensuite avec nous en fin de saison pour partager son analyse de la fabrique des masculinités au travail lieu où les inégalités femmes-hommes résistent et persistent ainsi que les rapports de domination liés aux injonctions à la productivité. Enfin, comme chaque année, nous marquerons notre engagement en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes. Pour la journée du 25 novembre, nous projetterons le documentaire Étudiantes en terrain miné, de Charlotte Espel qui ouvrira le débat sur la question des VSS dans le milieu universitaire. Ces questions là prennent une grande place pour nous à Rennes 2. C’est pourquoi nous tenions à ouvrir cette dixième saison des Mardis par une grande discussion sur les discriminations dans l’enseignement supérieur et la recherche. Pour ce faire, nous avons le plaisir d’accueillir Christine Rivalan Guégo. Merci Christine d’avoir pris… cette ouverture en charge. Christine est professeure émérite de littérature de l’Espagne contemporaine et ancienne vice-présidente Égalité pour cet établissement. Elle est également ancienne présidente de l’Université Rennes 2. Elle est à l’initiative de ce cycle de conférences des Mardis de l’égalité et c’est elle qui animera cette table ronde ce soir. A ses côtés, Louise Bourgoin de l’Observatoire National des Discriminations et de l’Égalité dans le Supérieur et Philippe Liotard, ancien président de la Conférence Permanente des chargé.e.s de mission Égalité et Diversité, la CPED. Fabrice Dhume va nous rejoindre bientôt. Il est, lui, sociologue à l’Université Catholique de Louvain. Je n’en dis pas plus sur la table ronde je sais que Christine va passer un petit moment à vous la présenter et je vais lui passer la parole dans quelques instants. Il me reste à vous souhaiter une très belle saison avec des débats et des échanges riches. Je vous remercie de faire un très bel accueil à nos invités et vous souhaite une très belle soirée à tous et à toutes. Merci Emmanuelle, bonsoir à toutes et à tous. C’est avec beaucoup d’émotion mais surtout avec beaucoup de plaisir que j’ouvre avec vous ce soir cette séance inaugurale de la nouvelle saison des Mardis de l’égalité à Rennes 2. Emmanuelle vient de le dire, la dixième… déjà ! Dix ans que ce rendez-vous mensuel agit un peu comme une piqûre de rappel de la nécessité de continuer à s’informer pour mieux agir contre les discriminations et les violences de toute sorte. Dix ans, c’est aussi une date anniversaire… même si nous la marquons avec un sentiment mitigé. D’une part, la satisfaction de voir se péréniser cet espace et ce temps d’information et d’échange sur des questions cruciales et d’autre part, l’insatisfaction provoquée par le maintien de situations de discrimination et de violence qui plus est dans un contexte plus large et international de remise en cause d’avancées en matière d’égalité avec un certain nombre de clignotants qui passent au rouge. Il n’est qu’à penser aux lois anti-avortement à l’essor des théories masculinistes partout dans le monde à l’existence de la culture du viol ou encore du viol comme arme de guerre. Un anniversaire, c’est aussi l’occasion de dresser un bilan de regarder en arrière et de mesurer le chemin parcouru et même celui qu’il reste à parcourir. La table ronde à venir sera l’occasion de l’évoquer plus particulièrement à propos de l’université qui, malgré les efforts reste un lieu d’inégalités structurelles persistantes en matière de sexisme, de racisme, de validisme de LGBTphobie ou en matière sociale rendant nécessaire le déploiement de politiques d’égalité bien ciblées. Mais pour revenir au commencement disons que l’idée des Mardis est née lors de ma prise de fonction comme référente Égalité de l’établissement une mission rattachée à la première présidence que j’occupais alors. Pour déployer les activités, j’avais tout le soutien du président de l’époque Olivier David, et du bureau de l’Université et surtout, j’avais carte blanche. Tout de suite, il m’a semblé nécessaire d’aménager un espace d’information d’échange, de débat principalement sur les questions d’inégalités femmes-hommes et les violences sexistes et sexuelles. Un espace ouvert différent d’un séminaire de recherche où pourraient se cotoyer étudiants et étudiantes personnel enseignant, ou non, de l’établissement habitants du quartier et, pour finir toute personne de la métropole rennaise intéressée par ces questions. Le passage en visio lors du Covid nous a même valu un public de toute la France. C ‘était… un peu après la demande du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche aux établissements de créer des missions pour l’égalité femmes-hommes et un peu avant le « Balance ton porc » de Sandra Muller et le « Me too » consécutif à l’affaire Weinstein. Mais, très vite de nombreuses questions, refoulées jusqu’alors sont apparues avec une forte demande d’information. C’est dans cette effervescence et avec l’envie de faire bouger les choses que les Mardis ont grandi. Pourtant, avec le recul il faut bien admettre que leur mise en route fut laborieuse. Sans salle affectée sans budet véritablement identifié avec ma collègue, Fanny Bugnon historienne très impliquée dans le diplôme inter-universitaire Genre à qui j’avais demandé son concours nous organisions, d’une fois sur l’autre des rencontres qui peinaient à trouver leur public en raison de notre manque de savoir-faire en matière d’organisation d’évènements de cette nature. Malgré tout à chaque fois la séance suscitait des questionnements intéressants et nous n’avons jamais baissé les bras. En même temps nous avons commencé à tisser des liens avec différents acteurs du territoire engagés sur ces questions. Tout particulièrement mes collègues référentes de l’Université Rennes 1 c’était Rennes 1 à l’époque et de l’ENS de Rennes, Nicoletta et Rozenn puis les référentes des établissements supérieurs de Rennes une autre Nicoletta, une Carole et bien d’autres. Puis, aussi les référentes des missions Égalité du Rectorat de Rennes Métropole, de la Région Bretagne Nicole, Geneviève, Frédérique. Et, finalement la rencontre avec le service culturel de Rennes 2 s’est faite. Il faut presque dire : « La rencontre avec Sarah Dessaint s’est faite. » Elle aura été décisive car ce service a mis à la disposition des Mardis toute son expertise organisationnelle et surtout il a permis de donner aux Mardis à Rennes 2 leur spécificité en alliant les domaines de spécialité de l’université sciences humaines et sociales, art, lettres, langues et sport à la création : cinéma, théâtre, peinture, photographie. Les Mardis se sont aussi dotés d’un logo conçu par les graphistes du service de communication de l’université. On disposait d’une salle dédiée, le Tambour et des services de la régie et du CREA. Désormais chaque saison offre une programmation originale à laquelle contribuent les vice-président et vice-présidente en charge de l’Égalité Jérôme Eneau et désormais Emanuelle Smirou avec l’appui des chargées de mission Égalité Sarah Dessaint et maintenant Sarah Ansari. Enfin il nous a paru intéressant de conserver ces conférences et grâce à l’aire du, le web-média de l’université s’est constituée, depuis la deuxième saison une vidéothèque des Mardis. Malheureusement, de la première saison seule la conférence inaugurale a été enregistrée… au moins, elle reste pour l’Histoire. Elle donnait la parole à Annaïck Morvan alors directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité qui, de l’intérieur, questionnait les politiques publiques en matière d’égalité femmes-hommes. Le titre de sa conférence Féminisme d’État, levier ou gadget ? La question reste d’ailleurs d’une brûlante actualité. Et dans son intervention préliminaire Olivier David, alors président tout en rappelant les actions déjà mises en place soulignait l’ampleur du chemin à parcourir. En conclusion à ce volet souvenir et avant de rejoindre les invités de la table ronde je tiens à remercier l’Université Rennes 2 et son président, Vincent Gouëset qui dans le contexte financier que l’on sait fait au mieux pour que la mission Égalité et le service culturel maintiennent leurs activités et en particulier les Mardis fidèles en cela aux missions de l’université telles qu’on les entend et les fait vivre à Rennes 2 et depuis Rennes 2. La table ronde va être l’occasion de questionner les dispositifs mis en place par les politiques publiques pour en apprécier les résultats et envisager des pistes concrètes où s’engager pour avancer vers une université inclusive offrant à sa communauté un environnement non-discriminatoire et exempt de toute forme de violence. Car on le sait, rien n’est jamais gagné. Les propos attribués en 1974 à Simone de Beauvoir lors d’un échange avec Claudine Monteil qui faisaient référence à la dépénalisation à venir de l’avortement peuvent malheureusement être étendus à bien d’autres situations. Je la cite « Rien n’est jamais définitivement acquis. Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. » Puissent les Mardis nous aider encore longtemps à rester vigilantes et vigilants pour qu’aucun retour en arrière ne soit possible. Je vais maintenant rejoindre mes invités. Merci. Merci à tous les deux merci de vous être rendus disponible. Emmanuelle le disait tout à l’heure nous avons notre troisième invité… en cours d’arrivée. Malheureusement un aléa du transport fait que son train a eu beaucoup de retard. Nous allons donc nous adapter au mieux à la situation. On compte sur votre compréhension. Et lorsqu’il viendra on l’intégrera sans problème à notre table ronde. Je ne vais pas représenter chacun d’entre vous puisqu’Emmanuelle l’a fait tout à l’heure. Mais, pour commencer ce qui semble nécessaire maintenant c’est à dire un tour d’horizon des différents dispositifs qui ont fait avancer la lutte et le traitement des discriminations. Je pense que Philippe Liotard va être la personne tout à fait indiquée en raison de sa longue expérience et également en raison des différentes fonctions qu’il a occupées et qu’il occupe encore. Et donc Philippe peux-tu nous dire quel est le bilan que tu pourrais tirer de cette dernière décennie en matière de lutte de prévention et de traitement des discriminations dans l’enseignement supérieur et la recherche publique ? Merci. Merci, je vais essayer ! D’abord en t’écoutant, je me suis rendu compte ça fait un moment que je viens à Rennes pour des questions d’égalité. Et il m’est venu en tête ce qui se faisait autour de l’association Liberté Couleurs qui avait monté à l’époque le printemps de la jupe, avec des lycéens J’avais été aussi invité par Nicole Guenneuguès avec le rectorat. Donc, il y avait déjà beaucoup d’activités qui n’étaient pas liées à l’université mais qui, pour moi avaient fixé Rennes comme un pôle actif en matière de réflexion et d’action sur l’égalité. Maintenant, pour revenir à ta question concernant la dernière décennie. C’est facile, 2015-2025. La loi Fioraso c’est 2013, on n’en parle pas. C’est la loi qui… oblige les établissements de l’enseignement supérieur à créer, à installer une mission Égalité. Mais 2015 c’est quand même une bonne date puisque c’est la date à partir de laquelle le plan national d’action contre le racisme et l’antisémitisme demande à ce que soit créé un réseau… un réseau de référents racisme et antisémitisme dans l’enseignement supérieur. Ce qui a donné lieu à des nominations dans les établissements de personnes qui étaient référentes racisme-antisémitisme. Pour situer, ça c’était en 2015. En 2018, au niveau de la CPED la Conférence Permanente des chargé.e.s de mission Égalité Diversité on avait fait un petit point et un tiers des personnes étaient… référentes racisme-antisémitisme et également… chargées de mission car il n’y avait pas ou très peu de VP à l’époque chargées de mission Égalité Diversité. Égalite Diversité ! Je dis bien « Egalité Diversité », je dirais tout à l’heure pourquoi. Néanmoins donc, ce plan national qui s’intitulait « La République mobilisée contre le racisme et l’antisémitisme » a créé comme ça un réseau qui n’a pas été… le ministère l’a animé il y avait régulièrement des… rendez-vous des réunions proposées par le ministère mais je ne l’ai pas vu vraiment bien fonctionner malgré les enjeux qu’il y avait. En revanche en parallèle ou à côté de ce réseau, et malgré les connexions parfois il y avait un autre réseau qui fonctionnait assez bien et qui s’était créé en 2011 le réseau des chargé.e.s de mission Égalité Diversité. qui depuis 2013 était adossé à une mission donc il y avait institutionnellement quelque chose contrairement aux référents qui étaient des personnes nommées mais sans appui, sans structure. Un autre point que je vais noter sur l’évolution c’est 2017. En 2017, on a eu un gros colloque à Paris 7 sur les violences sexuelles et sexistes dans l’enseignement supérieur. Il a eu un impact sur différentes choses sur la mise en place de réseaux de formation sur la mise en place d’une campagne de sensibilisation sur la mise en place de dispositifs d’écoute à une époque où on commençait à peine à les mettre en œuvre. Donc, c’est en 2017 mais on est sur les violences sexuelles et sexistes pas encore sur les discriminations c’est pas quelque chose qu’on va vraiment développer ce qui n’empêche pas que dans les établissements il y ait des actions mais ce n’est pas nationalement en ligne de mire. Néanmoins, donc c’est un décembre 2017 en 2019, la loi… la loi de transformation de la fonction publique va rendre obligatoire la création de dispositifs de signalement, d’écoute, d’accompagnement des victimes de violences sexuelles et sexistes. Quand on était dans l’environnement on disait « super » ce qu’on demandait en 2017 au colloque où la ministre Frédérique Vidal avait d’ailleurs dit qu’il fallait créer un dispositif on se dit que ça va se mettre en place. Sauf que, dès le début c’est pas seulement un dispositif sur les VSS qui est proposé c’est un dispositif qui doit aussi intégrer la question des discriminations et du harcèlement moral. Ça veut dire que institutionnellement la loi préconise la création d’un dispositif qui doit permettre à toute personne ayant vécu des discriminations de trouver un espace d’accueil, d’écoute, pour parler de ce qu’elle a vécu. Ça, c’est passé un petit peu inaperçu il y a eu un décret d’application en 2020 et puis en 2021, il a fallu créer les plans d’action… les plans pour l’égalité professionnelle… des plans d’action pour l’égalité professionnelle dans la fonction publique et pour ce qui nous concerne, dans les établissements publics. Et dans ce plan d’action, il y avait obligation en conformité avec la loi de 2019 de créer un dispositif d’écoute. Et là, ça a été vraiment un point de discussion car autant on avait un petit peu d’expérience sur les VSS autant sur les discriminations on était un peu en difficulté En tout cas, c’est ce qui revenait des collègues qui… n’étaient pas forcément à l’aise qui n’étaient pas formés et ne savaient pas forcément comment faire. Dans le même temps, donc en décembre 2021 au moment où l’on crée… où l’on dépose ces plans d’action on crée un kit la CPED, avec l’Association Française des Managers de la Diversité crée un kit contre les discriminations dans l’enseignement supérieur. Et là, on est vraiment sur une discrimination. On va créer un kit que l’on veut transversal. C’est à dire que l’idée c’est d’éviter de… c’est de sortir de l’appréhension des discriminations en silo. On va s’occuper des discriminations vis-à-vis des populations LGBTI ou vis-à-vis des personnes racisées et cetera. L’idée c’est d’avoir des actions spécifiques mais une compréhension transversale et globale. Alors, depuis 2023, je prends d’autres exemples liés non pas à la loi mais au fonctionnement des établissements avec la CPED, par exemple depuis 2023, on fait une cartographie. La CPED fait une cartographie des actions contre la LGBTphobie autour du 17 mai. C’est la première fois, enfin 2023 c’est pas très vieux c’est à dire qu’avant, on n’avait pas de vision globale sur les choses. Et puis, en 2024 un guide a été créé pour accompagner les personnes LGBTI créé par la CPED en collaboration avec la chaire LGBTI de l’Université de Lyon. Et puis dernièrement, j’ai un dernier repère pour finir le parcours on a l’obligation de ce dispositif mais on a aussi la loi qui vient d’être adoptée contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur et la recherche où là, on a encore une fois un ciblage sur une catégorie l’antisémitisme sur laquelle on va proposer une prise en charge spécifique. Donc, pour résumer on a à la fois des balises institutionnelles qui ont permis de déclencher là où ça n’existait pas non pas des actions mais une structuration dans les établissements et par ailleurs, des établissements ont pu progressivement renforcer les échanges qu’ils avaient ensemble. Et puis, on a pu bénéficier… d’un financement ministériel dont certains ont permis, par endroit, de déclencher des choses et d’une collaboration avec l’ONDES, très vite, dès qu’elle s’est créée quand je dis « on », c’est la CPED, c’est les établissements et puis avec la chaire LGBTI, le ministère de l’Enseignement supérieur… Lors de ces dix dernières années, on a eu un moment assez favorable. Je ne sais pas si ce moment se prolongera. Je suis plutôt inquiet par rapport à ce qu’on a vécu. Mais il y a eu quatre ou cinq belles années qui nous ont permis de mettre en œuvre un certain nombre de choses. En revanche, contrairement à ce que tu disais je ne suis plus en charge de l’égalité. Je suis un peu plus retiré, j’ai moins d’expérience de terrain. Je vois aussi la difficulté qu’ont pas mal d’établissements à maintenir les actions et les activités qui étaient montées à un très bon niveau, je trouve et qui se voient aujourd’hui obligés d’être financées pour pouvoir perdurer. Oui, merci. Je crois qu’il faut aussi souligner le rôle de la CPED parce que les établissements si je me rappelle la situation il y a une dizaine d’années les établissements étaient assez démunis. Et… trouver cet espace d’échange avec un certain nombre de collègues plus aguerris sur les questions ou avec des expériences déjà plus abouties ça a aussi été un atout et ça a aussi fait avancer les choses. Ne serait-ce que sur la métropole rennaise on a vite constitué un réseau, et ce réseau, c’était aussi notre force. Beaucoup d’actions n’auraient pas pu être menées par un seul établissement. Ce qui nous permettait d’avancer, c’est cette mutualisation de nos forces. Effectivement il y avait ces demandes ou ces suggestions ministérielles pas toujours bien accompagnées en matière de financement. C’était un peu à nous de trouver les solutions. Mais il est vrai que la mutualisation a été une des solutions. Je vais maintenant donner la parole à Louise parce que parmi les besoins très vite ressentis il y a eu cette nécessité d’objectiver les situations. Il y avait beaucoup de ressentis, d’impression et d’hypothèses. Mais finalement, une bonne objectivation c’est la base pour ensuite prévoir une politique. ONDES, c’est ce très joli acronyme. Observatoire National des Discriminations et de l’Égalité dans le Supérieur. Il a été lancé officiellement en février 2022 et produit un certain nombre d’enquêtes. Je pense qu’il serait intéressant, Louise que tu nous présentes un peu plus cet observatoire et que tu nous dises dans quelles mesures il intervient ou aide à définir des politiques d’établissement. Merci beaucoup. Donc l’ONDES est un observatoire qui a été créé en février 2022. Pour présenter brièvement cet observatoire c’est avant tout un lieu de recherche ouvert à des travaux de toutes les disciplines comme les sciences sociales. Il y a une volonté de pluridisciplinarité dès lors qu’elles éclairent la problématique de l’égalité et des discriminations dans le supérieur et la recherche. L’Observatoire est porté par l’Université Gustave Eiffel dont je fais partie et par France Universités. Cet observatoire est porté par ces deux institutions et a été officialisé par la signature d’une convention. Les trois missions principales de cet observatoire que je vais appeler ONDES car son nom est très long c’est à la fois de mener des opérations de recherche dans le but d’objectiver et d’avoir des données pour produire de la connaissance sur les thématiques de l’égalité et des discriminations. Ensuite, il y a une volonté de valoriser ces travaux. Donc, à chaque fois que l’Observatoire publie un rapport de recherche on essaye d’organiser un événement où on présente les résultats, où on publie les résultats dans l’idée que les résultats soient non seulement rédigés mais ensuite diffusés au grand public notamment à tous les acteurs du supérieur et de la recherche. Enfin notre troisième mission c’est de construire une politique de lutte contre les discriminations. Il y a donc un projet double. Il y a à la fois le projet scientifique qui est d’observer, d’objectiver les inégalités et les discriminations qui partent du constat qu’on avait avant cette idée qu’il existait des inégalités et des discriminations dans la société mais que le supérieur et la recherche étaient un lieu de savoir et de culture donc il n’y a aucun problème. On l’a très vite vu que ce n’est pas du tout le cas. Il y a des chiffres, que je peux citer notamment pour les VSS. D’après l’Observatoire Étudiant des VSS 60 % des étudiants et étudiantes ont déjà été victimes ou témoins de VSS ou de violences LGBTQIAphobes au cours de leurs études. C’est donc quelque chose d’assez massif. Il y a des discriminations et c’était ça notre travail. Certes, on avait des chiffres sur la question des VSS et des inégalités de genre mais vraiment très peu de données sur la question des discriminations que ce soit selon l’origine ou la situation de handicap. Tous les critères de discrimination. On manquait de chiffres, donc on savait qu’il y avait un ressenti mais on avait du mal à dire aux établissements « Regardez, on a des chiffres académiques concrets avec une rigueur scientifique qui permettent de prouver l’existence de discriminations. » Je l’expliquerai plus tard, mais ces chiffres là permettent d’adapter la politique des établissements. Donc ça c’est vraiment le projet scientifique de l’Observatoire. On a ensuite le projet opérationnel qui est de participer à l’élaboration de la transformation des politiques publiques liées à la discrimination et aux inégalités dans l’enseignement supérieur. Il est donc possible qu’on nous sollicite pour partager notre avis enfin plutôt nos conseils. Comment faire pour objectiver ce qu’il se passe ? Avec quelle méthode ? Comment peut-on faire ? Donc voilà, c’est le projet un peu plus opérationnel lié aux politiques publiques. Comme je l’ai dit, on a voulu créer cet observatoire pour combler ce manque de données qui était vraiment crucial et objectiver, analyser ces discriminations. Sachant que, comme l’a expliqué Philippe on avait un peu plus l’habitude de mesurer les VSS mais pour les discriminations, on savait pas trop comment faire. Est-ce qu’on demande uniquement l’avis aux victimes ? Est-ce qu’on arrive à trouver une manière d’objectiver les discriminations sans passer par les victimes ? Ça, c’est donc ce que fait l’Observatoire à travers la méthode du testing. N’étant pas chercheuse, je vais l’expliquer très simplement. La méthode du testing, par exemple, c’est de faire des fausses candidatures. On candidate beaucoup à des emplois ou à des places en master par exemple. Ce qu’on voulait tenter avec l’étude Master c’est d’objectiver les discriminations dans l’accès aux formations de master. Maintenant, il y a une plateforme, Mon Master. Mais, même avant l’existence de cette plateforme on voulait en apprendre plus sur l’entrée en master. On a donc créé cette enquête Master qui utilise le testing. On crée des fausses candidatures de profil d’étudiantes et étudiants semblables en tout point sauf pour le critère de discrimination à tester. On a envoyé beaucoup de mails des demandes d’informations à des responsables de formation pour des formations sur tout le territoire français en métropole et aussi en outre-mer. C’était un simple mail de demande d’informations. « Bonjour, je m’appelle Blablabla. Je suis intéressé par votre formation. Pouvez-vous m’en dire plus ? » La seule chose qu’on changeait, c’était le nom et prénom en signature. Et l’Observatoire a montré à travers plusieurs études qu’il y a des véritables impacts et discriminations en fonction de plusieurs critères, notamment le critère de l’origine face à ces mails. Pour donner un exemple très concret un mail d’un candidat ou d’une candidate en master qui signale son nom et son prénom ayant une consonance maghrébine a 11 % de chance de moins de recevoir une réponse qu’un mail de candidat ou candidate au nom et prénom à consonance française. Donc, ce n’est pas… On ne sait pas si cette personne sera prise ou non. Cependant, on peut se dire si déjà, à la simple demande d’informations il y a 11 % de chance de moins de recevoir une réponse on peut poser l’hypothèse que ces candidates et candidats en master au nom et prénom à consonance maghrébine ne vont peut-être pas être pris dans ces masters. C’est le principe de la discrimination il y a une inégalité de traitement en fonction d’un critère connu par la loi. C’est donc une des études qu’a mené l’Observatoire et ce, tous les ans sur quatre ans. On changeait le critère de discrimination ou on l’élargissait. On a testé le handicap, l’origine, le genre. À chaque fois, on remarque des niveaux de discrimination très significatifs pour ce qui est de l’origine significatifs aussi pour ce qui est du handicap et un tout petit peu moins pour ce qui est du genre. Parmi les autres mesures et autres outils qu’on a on a l’enquête REMEDE en partenariat avec la CPED. Cette fois-ci, on diffuse un questionnaire à l’ensemble des établissements de l’enseignement supérieur pour faire un constat national des actions mises en œuvre dans les établissements suite aux nombreuses lois appliquées qui leur sont imposées donc, mettre en place des mesures pour lutter contre les inégalités et les discriminations. Il fallait qu’on fasse un état des lieux de ce qui se fait dans ces établissements. En juin 2023, on a lancé la première vague. Les résultats ont été présentés en novembre 2023. Cette année, en 2025, on a lancé la deuxième vague. L’idée, c’est de refaire cette enquête tous les deux ans pour voir l’évolution des actions mises en œuvre dans les établissements. Le but étant de faire un état des lieux sur les actions, mais aussi sur les moyens des missions Égalité Diversité. C’est ces services là qui mettent en œuvre toutes ces choses au sein des établissements. Parmi ces études, on valorise les travaux d’étudiants et d’étudiantes. On en a notamment accueilli en stage ou en alternance et ensuite, on les a aidé à adapter leur travail étudiant en un rapport d’étude pour le publier dans la collection de l’Observatoire. Par exemple, un travail sur le harcèlement scolaire à l’encontre des étudiantes et étudiants LGBTQIA+ qui montre une prévalence du risque de harcèlement scolaire chez ces étudiantes et étudiants LGBTQIA+. Ce travail a donc été fait par un étudiant qu’on a reçu. Puis, le troisième type d’outils qu’on a et qui a été lancé l’année dernière c’est l’enquête EVIDENCE, une enquête de victimation qui est un peu en complément d’ACADISCRI, dont Fabrice parlera plus tard. Cette enquête vient du constat tiré de l’enquête REMEDE qui montrait qu’un tiers des établissements avait développé en interne une enquête de victimation auprès du personnel et du public étudiant. Un tiers, c’est très peu. On sait que c’est difficile pour les petits établissements les écoles ou les établissements peu habitués à ce type d’enquête de créer des enquêtes de victimation de s’assurer de la rigueur des données. On s’est dit qu’il fallait leur mettre une enquête à disposition qui soit la plus légère possible d’une soixantaine de questions concernant les inégalités, les VSS et les discriminations. L’avantage de ce questionnaire c’est qu’il est commun à tous les établissements scolaires. Ensuite, ses données seront comparables car on fait face aussi à beaucoup d’établissements qui ont lancé des enquêtes en interne très souvent à l’initiative des étudiantes et étudiants ce qui est vraiment génial. Sauf que ce n’était pas toujours comparable d’un établissement à un autre par manque parfois de rigueur académique de la part de ces étudiantes et étudiants. Donc on leur a proposé une enquête. C’est une manière pour nous d’être à l’écoute des établissements et de leur proposer de l’aide et de l’accompagnement si besoin est. Oui merci. C’est vrai que le recours aux enquêtes dans mon souvenir c’est parti aussi de l’enquête VIRAGE. Alors VIRAGE remonte maintenant à 2015. C’était une enquête menée par l’INED et c’était une enquête qui envisageait non seulement le monde scolaire, les études mais aussi le monde de la famille, le… Merci le monde de la famille… les espaces publics mais c’est une enquête qui a quand même eu le mérite pour les établissements d’enseignement supérieur du moins pour les personnes en charge de l’égalité de la lutte contre les discriminations dans ces établissements de justifier le besoin d’objectivation. Parce que… les compte-rendus qui ont été faits, certains dans des établissements ont permis de sensibiliser aux résultats d’enquêtes et à l’intérêt de ces enquêtes. Malheureusement, on me signale que notre collègue est toujours retenu dans son train. Ça va être difficile pour lui d’intervenir ce soir. Il devait nous parler d’ACADISCRI. ACADISCRI, c’est une enquête je vous laisserai la présenter peut-être de façon plus détaillée mais c’est une enquête à laquelle Rennes 2 a participé. Si on y a participé c’est qu’on a été convaincu de l’intérêt de cette enquête que l’établissement n’aurait jamais pu mener tout seul. Le dispositif puisqu’à l’époque j’étais présidente et j’ai, en quelque sorte, suivi la mise en place. C’est quand même un dispositif très complexe. Et, à Rennes 2 nous aurions eu supposément un bon taux de participation tant côté personnel que côté étudiant. Même si, pour le personnel, on tourne autour des 30 %… Il y avait 400 personnes, donc à peu près 30 % pour le personnel. Et pour les étudiants, on devait être… Pardon ? Oui ! On était autour de 4 % je crois. Mais malgré tout ces chiffres étaient intéressants pour les enquêtrices et enquêteurs Et… quand on lit… le rapport on se rend compte que les représentations sont parfois, pas vraiment éronnées mais qui ne sont pas tout à fait exactes. C’est vrai qu’à Rennes 2, ce qui ressortait surtout c’était finalement tout ce qui est de l’ordre du micro les micro-discriminations, les micro-violences c’est-à-dire, finalement, tout ce qui résiste le plus aux politiques que l’on peut mettre en place et c’est un vrai défi de s’attaquer à ces micro-agressions, ces micro-discriminations pour un établissement. Alors, Louise tu peux sûrement mieux introduire cette enquête ACADISCRI maintenant que l’on sait que Fabrice ne pourra pas nous en parler. Alors, je ne vais pas rentrer dans les détails car je ne fais pas partie de l’enquête et encore moins de l’équipe ACADISCRI. Mais avec l’Observatoire on a beaucoup travaillé avec l’équipe ACADISCRI. On a déposé un projet ANR ensemble et on a collaboré ensemble. On trouvait leur enquête vraiment essentielle. C’est un dispositif d’enquête assez lourd et long à remplir mais qui est assez précis et qui permet par différents critères de mesurer VSS et discriminations. Mais le gros intérêt de cette enquête c’était aussi de mesurer le niveau, dit de gravité de la violence et de la discrimination. Dans ce que montrent beaucoup de résultats d’enquêtes de nombreux établissements remarquent les faits graves mais beaucoup d’autres faits considérés comme moins graves et pourtant tout aussi importants comme le phénomène des micro-aggressions sont au final les plus durs à détecter et à combattre. Nous avons aussi fait appel à ACADISCRI au sein de l’Université Gustave Eiffel. On a reçu les résultats la semaine dernière. Mais je pourrai en parler plus quand tout sera lu et compris. Pour l’enquête EVIDENCE on est parti du constat que l’enquête ACADISCRI de par son importance et de par la petite taille de l’équipe ne pouvait pas être déployée dans tous les établissements. Elle a déjà été déployée dans 10 à 15 établissements ce qui est déjà génial. On ne souhaitait pas remplacer ACADISCRI car ça ne remplacera jamais une enquête très approfondie. On voulait venir compléter tous les établissements qui n’ont pas eu la chance d’avoir accès à ACADISCRI. C’est aussi de là qu’est née notre enquête EVIDENCE afin de proposer un dispositif un tout petit peu plus léger bien que ça reste quand même une soixantaine de questions. C’est un fil déroulant donc si vous déclarez n’avoir rien vécu ou n’avoir été témoin de rien en cinq ou six minutes vous avez répondu à l’enquête. Si jamais vous déclarez quelque chose il y a tout un fil se déroule avec bien plus de questions. Ça partait du constat que plein d’établissements ne savent pas comment déployer un dispositif d’enquête car c’est compliqué. Il faut ensuite savoir les analyser. C’est un vrai enjeu de communication pour que les gens répondent. On peut se dire que 3-4 % de réponse du public étudiant, c’est très peu. Sauf que c’est les moyennes générales des enquêtes de victimation. Si on atteint entre 5 et 10 %, c’est vraiment énorme. C’est difficile pour les étudiants de répondre à ces enquêtes là. Donc on s’est dit qu’il fallait proposer une enquête plus légère, unifiée qui peut ensuite s’adapter aux établissements. On la met à disposition des établissements. Si les établissements souhaitent un accompagnement et qu’ils ne peuvent pas analyser et traiter ces données en interne l’Observatoire se met à leur disposition pour le faire. On ne fera pas la collecte. L’établissement est plus à même de la faire. On peut cependant signer une convention de partenariat pour ensuite récupérer ces données, les analyser rédiger un rapport et le transmettre à l’établissement. On a lancé une deuxième chose pour pallier la difficulté à déployer l’enquête dans les établissements c’est de passer aussi par les réseaux étudiants. Le BNEI, le Bureau National des Élèves Ingénieurs ou le BNEM, le Bureau National des Élèves en École de Management en disant, on doit passer par les deux. Passons par les établissements pour qu’en interne, ils puissent avoir un état des lieux si ils le souhaitent mais passons aussi directement par les étudiantes et étudiants elles et eux-mêmes pour que cette enquête soit diffusée. Voilà, le principal c’est de produire la connaissance et qu’il y ait un état des lieux même si on a de formidables enquêtes au niveau national. Comme le baromètre de l’Observatoire Étudiant des Violences Sexuelles et Sexistes. C’est quand même utile aussi pour les établissements de se dire « Voilà mon état des lieux, voilà ce qui se passe. Est-ce que j’ai plus telle ou telle discrimination ? Est-ce que j’ai un véritable problème ? Est-ce que mon dispositif de signalement et de traitement fonctionne ? » On peut se rendre compte dans les enquêtes que les étudiantes et étudiants ne savent pas que leur établissement a un dispositif interne donc il y a encore un énorme enjeu de communication là-dessus. L’autre avantage de ces enquêtes de victimation c’est que cette enquête est en elle-même un outil de sensibilisation. C’est-à-dire que le fait que tous les personnels et le public étudiant reçoivent, dans leur boîte mail, cette enquête pour participer. C’est aussi une façon de dire « Voilà, les violences et discriminations existent. N’hésitez pas à venir parler si vous avez besoin. » Dans ces enquêtes il y a toujours les numéros essentiels de la mission Égalité, des associations locales des structures d’aide pour les victimes ou pour les témoins. Donc cette enquête permet à la fois de produire la connaissance l’enquête ACADISCRI également et permet aussi d’être un outil de sensibilisation à ces enjeux-là. Je regardais ACADISCRI, les premières enquêtes datent de 2020. Donc il y a déjà cinq ans. Ces enquêtes ont de suite fait ressortir des choses dont on parlait peu. Par exemple, dans le réseau Égalité Diversité. Le fait d’intégrer le critère de racisme, de la race comme étant un critère qui revient beaucoup à la fois chez les personnels et chez les étudiants ou les élèves. C’est un point qui nous était inconnu. C’est des choses qui nous ont été rappelées par ces résultats. Donc c’est intéressant parce que, justement, ça nous permet aussi y compris quand on est soi-même et institutionnellement centré sur les discriminations. Ça nous rappelle qu’il y a des discriminations invisibles. Qu’on ne veut pas voir, auxquelles on n’est pas trop attentif. Parce que je pense qu’ il y a ce que Louise disait tout à l’heure l’idée qu’on est un peu protégé dans l’environnement universitaire. Sauf que les enquêtes de l’ONDES montrent, en effet dans le cas d’une simple demande d’informations sur la base de critères qui nous semblent déjà aberrants font objectivement apparaître de telles différences. C’est quand même un problème. Alors l’autre problème, n’est pas seulement d’objectiver. Mais qu’est-ce qu’on fait de ça ? Qu’est-ce qu’on en fait ? Parce qu’il y a beaucoup de… Il y a, à la fois cette enquête ACADISCRI qui a, en même temps, je pense qu’il faut le dire aussi… Il y a eu un moment au début du lancement le ministère a peu freiné pour la diffusion de l’enquête. C’était pas tellement moteur. On était à la CPED, on avait rencontré Fabrice Dhume. Au tout début, avant même qu’il lance… Il cherchait justement des partenaires il nous avait expliqué l’enquête, ça devait être en 2019. Il était venu à une de nos réunions. Je ne sais pas ce qui s’est passé. Ils ont été obligés, avec le ministère, de revenir sur des précisions sur justement la manière d’objectiver les choses. Il y avait vraiment une sorte de crainte que ces données soient gênantes, soient politiquement gênantes. Mais elles le sont. Donc c’est aussi une réalité. Et une fois qu’on a ces données, qu’en fait-on ? Et là c’est un autre problème parce que je vois aussi dans les établissements, la rotation des personnels le peu de moyen alloué à ces questions. Et donc en fait, on se dit… Moi, j’ai vécu dans plusieurs établissements des prises de conscience des gouvernances. Qui nous disent : « Ah, c’est pas vrai, chez nous aussi. » Et puis c’est tout. Mais après, qu’est-ce qu’on fait ? Comment on essaie de transformer les choses ? Ça veut donc dire qu’il faut qu’on s’adresse à tous les niveaux. Il faut qu’on travaille sur le personnel à l’accueil qu’on travaille sur les enseignants et les enseignantes sur les manières de se comporter, d’accueillir, de suivre les élèves. Et il y a des choses qui nous échappent. On parlait des discriminations en raison de l’origine sociale, économique, de la langue. Enfin les choses vraiment simples. On sait que des gens sont discriminés en raison de leur accent. Les gens ne choisissent pas leur accent. Des élèves, en fonction de leur accent, vont être plus ou moins bien évalués. Alors que, théoriquement, c’est juste une question de fond. Donc quand on a ça, qu’est-ce qu’on en fait ? C’est compliqué. On peut dire au collègue : « Tu ne peux pas me discriminer. » Mais l’intérêt, après c’est qu’on peut expliquer ce qu’est une discrimination. Même si on ne traite pas tout on peut expliquer qu’une discrimination c’est un traitement inégalitaire, selon un critère interdit par la loi et dans un domaine qui nous concerne qui est l’accès aux études, l’accès à l’éducation. Qui peut être aussi l’accès au travail, dans le cadre des stages l’accès à un logement, dans les cités U. Donc il y a plein de critères qui nous amènent à réfléchir à tous les niveaux. Agents administratifs et techniques, collègues enseignants et gouvernances n’ayant pas toujours conscience que structurellement… parce qu’il y a des choses qu’on voit structurellement, on doit agir. Et pour l’instant, je doute que… Enfin, je suis content qu’on produise ces données. Mais je vois pas encore comment on va pouvoir transformer l’essai en disant : « Voilà, maintenant, ce qu’on va pouvoir apporter, c’est ça. » C’est très juste parce que quand nous à Rennes 2, on a reçu les résultats c’est vrai que la grande question était « On en fait quoi, maintenant ? » C’est-à-dire, comment on peut agir pour modifier ces résultats. C’est vrai que la question reste un peu entière. D’abord car il y a un certain nombre de choses qui nous échappent et qui appartiennent, je dirais, au domaine de la société au sens le plus large. Et comment… C’est toujours pareil, on en revient à ce qu’on sait faire : la formation. Former. Former à former. Mais on voit bien que ce n’est pas suffisant. Après sur les discriminations, il y a des outils, par exemple… Ça se fait dans les établissements. Quand on fait une cartographie des risques de discriminations. On peut la faire cette cartographie. Et ça se fait avec les représentants du personnel. Il y a des choses comme ça qu’on sait faire par exemple, en matière de risques liés au travail. C’est des choses qu’on peut faire et on ne va pas tout changer. On va pas traiter les résultats directement quand on les obtiens Mais il est important, déjà, que ce soit connu. Et pour la question « Qu’est-ce qu’on fait après ? » Il me semble qu’il y a des choses assez simples, comme mettre en… Je dis « assez simple »… Ça, c’est peut-être mon… Comment dire… Mon regard vers l’Europe. L’Europe produit un certain nombre d’outils sur la question du management des établissements dans le supérieur notamment sur les question d’égalité, de discriminations. Dans les préconisations, les plans d’action qui sont proposés ou qu’on observe dans les différentes universités europpéennes. Il y a parfois des comités de pilotage qui sont organisés à la fois avec des étudiants, du personnel, des services qui vont tenter de voir ce qu’on peut faire. On va pas tout changer mais comme il existe aujourd’hui un plan d’action pour l’égalité professionnelle on se demandera ce qu’on peut faire en matière de discrimination avec les données qu’on a. Que faire par exemple pour limiter tel type de discrimination qui nous semble compte tenu des résultats, la plus importante à traiter. Alors on va pas tout faire d’un coup. Mais on peut comme ça travailler, en ciblant des actions au sein d’un plan d’action qui nous permet d’agir. Ça veut aussi dire de trouver des financements sur les actions. C’est pas globalement, on va pas dire, on va prendre… C’est qu’est-ce qu’on va faire en direction des étudiants du personnel, et cetera. Et là, comme tu en parlais plus tôt on a des leviers, la possibilité de mutualiser. On a des possibilités d’agir avec des ressources nationales des associations. Donc voilà, pour cette question. Je pense qu’il faut travailler sur des aspects très concrets de mise en œuvre. Ah bah voilà, Fabrice ! C’est une heureuse surprise. Pour tout le monde. Donc bienvenue à cette table ronde. On peut tout de suite te demander d’intervenir ? Ou tu as besoin de quelques… Allons-y, allons-y, on verra ce que ça donne. Voilà, on était, on a évoqué, on a osé parler d’ACADISCRI. Très bien. Mais on aimerais bien que tu nous parles, justement de cette enquête en tant que coordinateur ayant participé de très près à la mise en place de l’enquête. Ok. Et plus précisément, qu’est-ce que je peux vous dire ? Déjà, l’origine de l’enquête. la façon dont elle s’est mise en place, ensuite déroulée et finalement, ce que vous, à l’organisation et à la coordination vous retirez de cette… alors expérience, je ne sais pas si c’est qu’une expérience de cette initiative. Voilà, on a beaucoup évoqué ACADISCRI du côté des établissements. Mais du côté de la mise en œuvre je pense que ça serait intéressant aussi d’avoir quelques éléments pour compléter. Oui. Ça va faire l’objet d’un chapitre d’un prochain bouquin collectif ACADISCRI. Actuellement, c’est plutôt deux chapitres qu’un tellement il y a à dire sur la mise en place. Par rapport aux questions que vous travaillez je pense que c’est un lieu d’observation assez intéressant d’un certain nombre des difficultés à ouvrir ces questions-là dans l’ESR, dans l’enseignement supérieur et la recherche de façon générale. Alors peut-être sur le point de départ du projet… Il est parti d’expérimentations ou d’enquêtes de nature un peu expérimentales qui ont été faites dans deux établissements de la région Île-de-France dans lesquels on était plusieurs à enseigner sur les questions de discriminations et de racisme. Et ça c’est un élément important. C’est-à-dire qu’il y a, à la fois un ancrage pédagogique dans les cours et dans des cours qui sont ouvertement sur ces problématiques-là. Et dans lesquels, le processus d’enquête fait partie des statégies pédagogiques à la fois d’apprentissage pour les étudiants. D’apprentissage, donc aller ouvrir des questions qui fâchent au sein de leur institution elle-même. Et en même temps, fait partie d’une stratégie justement de… de tentative d’ouverture d’une question qui était assez difficile à faire reconnaître. Pour ma part, j’étais, à cette époque-là, à l’Université Paris-Diderot. Et donc, pendant plusieurs années à Paris-Diderot on a travaillé avec les étudiants autour d’enquêtes exploratoires sur le racisme, sur l’action face au racisme de l’établissement. Sur les problématiques d’intersectionnalité entre sexisme et racisme. Et c’est à partir de là, sur la base de plusieurs années d’expérimentation qu’on a organisé, fin 2018, un colloque internationnal Racisme et discrimination raciale, de l’école à l’université. Et ça n’existait pas, c’est-à-dire qu’il y avait éventuellement des choses qui existaient sur les discriminations de l’école à l’emploi. Mais avec une sorte de trou noir qui était l’enseignement supérieur et la recherche comme si c’était une zone qui n’était pas concernée. Et, je vous passe les conditions d’organisation mais ça a été, à la fois important, ça a été une très grosse rencontre car il y a eu énormément de gens. Et qui a été le point de départ à la fois de réunion d’une équipe identifier un certain nombre de personnes ayant travaillé un peu sur ces questions et souhaitant pouvoir travailler dessus. et d’identification d’un premier soutien politique dans le Défenseur des droits qui, à la fois, a fait la clôture… donc Jacques Toubon en personne a fait la clôture du colloque et s’est engagé à cette occasion-là pour soutenir des travaux de recherche. Et ça me paraît très important de souligner que ce soutien-là ne vient pas du ministère de l’Enseignement supérieur. Il vient d’une institution en charge de politiques de lutte contre les discriminations mais qui, au fond, est périphérique à l’ESR. Et ça, c’est vraiment très significatif de choses qui se répètent. C’est-à-dire la difficulté à ouvrir ces questions-là en prenant appui ou de l’intérieur, spécifiquement des institutions de l’ESR. C’est le point de départ d’ACADISCRI. Dès la fin du colloque, on a réuni une petite équipe. On était six ou sept au départ pour commencer à travailler sur le projet d’enquête. Et l’enquête, avait comme objectif de travailler sur le racisme à l’université. L’expérience du racisme à l’université. Puis assez vite, on a démarché des établissements qui nous ont dit « Tu sais, le racisme… Je suis d’accord avec vous mais ça va être compliqué difficile de l’ouvrir, c’est pas très vendable. Ça serait bien de faire aussi un peu le sexisme et puis, faire aussi la LGBTphobie, et cetera. » C’est-à-dire de globaliser cette question-là. Et donc, toute l’histoire du projet ACADISCRI pendant quatre ans de mise en place de cette enquête ça a été un déplacement progressif vers la prise en compte de plusieurs critères vers d’autres stratégies car on n’arrivait pas à rentrer dans un certain nombre d’établissements. Il y a eu une adaptation sans cesse du projet. Et je termine sur ça on a contacté, sur le premier volet de cette enquête qui a duré jusqu’en 2022. On a contacté quasiment une soixantaine d’établissements de l’enseignement supérieur, universités, grandes écoles, et cetera. Et sur les soixante qu’on a contacté on est arrivé à faire l’enquête dans six établissements. Donc, ça donne une mesure de la difficulté à avancer sur ces questions. Bien… Effectivement, ça laisse un peu songeur, songeuse. La difficulté pour les établissements ensuite à valoriser les résultats c’était aussi quelque chose que l’on a évoqué. Et vous, à votre niveau, vous le ressentiez, ressentez ? Comment vous pouvez aider, finalement ? Oui, on avait imaginé au départ un dispositif dans lequel nous pouvions travailler au plus proche avec les établissements et je me rappelle que la première rencontre de la Conférence Permanente des chargé.e.s de mission Égalité Diversité à laquelle j’avais été invité pour presenter l’enquête ACADISCRI on avait dit aux personnes qu’on pouvait travailler avec elles après sur la valorisation, la traduction, ces enjeux-là. La complexité de mise en oeuvre de l’enquête a été telle qu’en 2022, l’équipe a jeté l’éponge, a décidé d’arrêter. D’arrêter les frais. Une partie de l’équipe avait perdu son financement. On ne pouvait plus financer doctorants, post-doctorants du projet. Et puis, il y a eu une usure, un épuisement de l’équipe. Ça a un peu rebondi parce qu’une fois qu’on avait décidé de jeter l’éponge tout à coup, l’ANR a dit : « On finance. » Bon, c’est super, formidable. Il y a donc eu un rebond au moment où, effectivement, l’équipe n’était plus là. On a remonté une petite équipe de six personnes pour assurer la suite. Je suis en train de perdre le fil, pardon. …pour l’accompagnement. Cette idée qu’on avait de pouvoir penser et travailler sur la traduction de « Qu’est-ce qu’on fait des données sur la victimation en termes de traduction d’actions et de politiques publiques ? » On l’a abandonnée au fur et à mesure et on l’a abandonnée notamment sous la pression paradoxale des délégués à la protection des données qui sont chargés de veiller à l’application du règlement général de protection des données qui nous disaient : « Ce n’est pas possible soit c’est une enquête scientifique, soit c’est une action publique. » Incroyable ! C’est incroyable que ça vienne de juristes ou de gens chargés… qui nous disent : « On ne peut pas monter un dispositif hybride. » Tout ça fait partie des contraintes qui rendent difficile, qui participent. Ce qu’on en voit de la difficulté de traduction c’est par exemple la diffusion sur les six établissements qui ont participé au premier volet de l’enquête. Il y en a que deux qui ont diffusé publiquement les résultats concernant leur établissement. On avait convenu avec les établissements qu’ils pouvaient le faire ou non. C’était à l’appréciation de chaque établissement. Nous nous engagions à ne pas communiquer sur chaque établissement mais à ne communiquer qu’à l’échelle du croisement entre les six établissements en anonymisant les établissements concernés. Mais c’est quand même significatif il n’y en a que deux, dont un qui a diffusé et qui diffuse les rapports sur son site et un autre a fait plusieurs rencontres publiques pour présenter les résultats d’ACADISCRI. Les quatre autres et il me semble que c’est le cas de Rennes 2 en tout cas sur le site de Rennes 2, quand vous tapez ACADISCRI, il n’y a rien. Il n’y a plus rien, c’est-à-dire qu’ils ne diffusent pas ces données-là. Je ne sais pas ce que vous avez dit, mais il me semble qu’il y a un enjeu c’est-à-dire une difficulté aussi à affronter le constat. L’ampleur du constat que pose, que révèle une enquête comme ACADISCRI. Je… Non, tu ne voulais pas intervenir ? J’ai cru que tu voulais intervenir. C’est vrai que c’était ce que l’on disait avant que tu n’arrives la difficulté pour les établissements à s’emparer des résultats et à les traduire en actions. Et la question, elle reste entière. On va peut-être pouvoir passer à une autre dimension de tout cela. On le voit, on a désormais des outils qui sont à notre disposition par le biais des enquêtes, en particulier. On peut dire aussi qu’il y a un certain nombre d’avancées en matière de lutte et de prévention un certain nombre de dispositifs ont été installés dans les universités enfin, dans les établissements de l’enseignement supérieur. Il y a une certaine conscience aussi qui a été prise dans les établissements de l’existence de ces situations et de la nécessité d’y trouver des solutions. Malgré tout, la situation progresse lentement, si on peut dire les choses de façon un peu euphémistique Et à votre avis, quels sont les obstacles ? J’ai presque envie de dire les vrais obstacles à une évolution plus sensible et à une prise en compte qui se traduirait de façon très effective dans les politiques menées par les établissements. Je veux bien commencer par les obstacles. Le premier obstacle, c’est la perception. La compréhension de ce qu’il se passe. Alors effectivement, il y a les enquêtes… Je suis intervenu récemment dans une école d’ingénieurs. Et il y a eu une enquête interne. Le personnel avait été très déstabilisé par les verbatim. Tout d’un coup, l’enquête avait restitué comme ça quelques exemples. Et tout d’un coup, ils se sont dit « Mais ce n’est pas chez nous. » C’est pas possible que ce qu’on a entendu, ce qui a été rapporté là, soit chez nous. Donc, il y a eu une prise de conscience. Il y a une prise de conscience qui s’est traduite par la volonté. Ça traduisait aussi des difficultés dans les labos, les équipes, et cetera. Il y a volonté de dire : « On ne peut pas laisser passer Chez nous ça ne passe pas, c’est pas nos valeurs. Il faut qu’on l’entende. » Il y a une sorte d’électrochoc. Après il y a aussi du déni. C’est pas parce qu’on met les choses sur la table que c’est accepté. Du déni ou même… Ça, moi je l’ai vécu avec des personnes qui étaient en position d’autorité à la gouvernance. Sur certains critères notamment, je pense aux questions LGBTI sur certaines actions où, tout d’un coup, il ne fallait pas communiquer. On ne communique pas, parce que quoi ? Ce qu’a dit Fabrice m’a fait penser à une chose sans lien avec l’enseignement supérieur, le fait de dire qu’on est parti du racisme et on a glissé sur la discrimination parce qu’il fallait globaliser la question du racisme, dite trop sensible Moi j’ai vécu le contraire dans le sport, je suis en STAPS. J’ai travaillé sur les discriminations dans le sport. Dans le sport, pendant plusieurs années on a fait des actions autour du 17 mai avec les lacets arc-en-ciel puis le bracelet capitaine arc-en-ciel, puis les numéros arc-en-ciel. Et on ne va plus le faire. Ce qui posait problème au début c’est qu’on a dit : « On va faire ça contre les discriminations. » Pas sur les LGBTphobies. Pourquoi faire des arc-en-ciel si c’est juste sur les discriminations ? On voit bien que ça ne va pas de soi. Que dans un cas c’est le racisme ou la question raciale qui gêne parce qu’on ne veut pas la voir, peut-être. Dans l’autre cas, c’est la question des LGBTphobies. Dans tous les cas, il y a un décalage entre le propos le projet institutionnel… Ou le discours plutôt. Le discours qui va dire, il faut qu’on soit attentif à ça. Puis l’acceptation par les personnes, de vraiment faire quelque chose. Dans le foot, par exemple il y a des joueurs qui ne veulent pas jouer. Ce jour là, ils sont malades. Parce qu’ils préfèrent être malades plutôt que de porter un maillot… Enfin un numéro arc-en-ciel. Voilà, c’est quand même révélateur. C’est là qu’on s’aperçoit que la question de l’égalité c’est aussi un enjeu. Lors de discussions, de réunions ou de débats on s’aperçoit de résistances. Chez les collègues, chez les étudiants. Il y a des résistances. Ces résistances, il faut les poser par rapport à un critère simple « On travaille pour l’égalité, oui ou non ? » « Est-ce que vous êtes pour la mise en œuvre d’un espace égalitaire ? » Si on n’est pas d’accord, on ne va pas pouvoir discuter. Mais encore faut-il la poser. Mais quand on pose cette question comme ça on a des gens qui disent « Non, mais on est d’accord » si on est d’accord, alors on fait quoi ? On y va ou pas ? Mais à mon avis, cette question de l’égalité pour tous n’est pas partagée par tout le monde. Et ça, c’est aussi un silence que l’on a du mal à mettre en mots, justement. C’est un obstacle. Oui, oui, tout à fait. Et c’est même peut-être l’obstacle principal parce que tant que ce n’est pas identifié, reconnu et admis ça reste la zone d’ombre. Louise ? Oui alors je suis assez d’accord avec ce que vient de dire Philippe je vais peut-être un petit peu dépasser ma casquette ONDES mais… La particularité de mon poste c’est d’être à la fois au sein de l’ONDES et d’être aussi rattachée à la mission Égalité de l’Université Gustave Eiffel. J’ai donc à la fois la vision de la recherche, de la mise en œuvre de projets mais je vois aussi la réalité du terrain c’est-à-dire au sein des missions Égalité. Une fois qu’on transmet les chiffres aux gouvernances et aux présidences, qu’est-ce qu’on en fait ? Je pense que l’enjeu politique et le contexte politique sont essentiels. C’est-à-dire que, malheureusement comme le montre l’enquête REMEDE les missions Égalité ne possèdent absolument pas toutes les mêmes moyens humains, financiers… Il y a l’obligation d’avoir une mission Égalité mais aucune obligation d’avoir du personnel financé à 100% pour travailler sur ces questions-là. Certaines universités ont donc une personne référente qui, très souvent est une enseignante chercheuse qui a toute sa charge de travail à côté. Tout dépend de la volonté politique des établissements. Certains ont une volonté politique forte et vont mettre en œuvre des mesures à travers leur plan national égalité faire en sorte de se dire, une fois les résultats d’ACADISCRI obtenus ou d’une autre enqête de victimation, « Que fait-on pour amener les choses ? » Mais il y a aussi des établissements qui n’ont pas cette forte volonté politque de mettre en œuvre des mesures. Donc, pour moi, l’investissement politique de l’établissement peut être un obstacle, comme un levier Ça peut donc être l’un comme l’autre. Je pense aussi que je peux parler au nom des missions Égalité pour dire qu’elles font face à une résistance croissante lors de la mise en œuvre d’actions pour sensibiliser et former, d’événements. Ça évolue dans le bon sens, de plus en plus de gens nous le disent. « Bravo ! Votre travail est nécessaire. » Mais on a aussi des résistances de personnes qui nous disent « Je ne comprends pas ce que vous faites. » « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous faites ou dites. » Voilà, on frôle le « c’est mon opinion, je ne suis pas d’accord » mais le problème c’est que la discrimination n’est pas une opinion c’est un délit. Donc le fait de ne pas mettre en œuvre les politiques, censées être nationales et qui sont une responsabilité légale, ce n’est pas une opinion. On a encore beaucoup de mal à convaincre certains collègues de respecter le prénom d’usage de telle étudiante ou tel étudiant. Être respecteux et respecteuse envers toutes et tous ne pas discriminer, ne pas faire de micro-agressions. C’est la responsabilité de l’établissement. Il doit accueilir tous les étudiants, toutes les étudiantes peu importe leur origine ou leur identité, l’important c’est de ne pas discriminer. C’est censé être leur responsabilité. Et surtout protéger accompagner les victimes et faire en sorte que… Je pense que l’autre levier c’est, une fois que l’on a mis en place une politique d’égalité, un dispositif de signalement. Ces signalements, il faut bien les accueillir et bien les traîter. Ça ne suffit pas de dire aux victimes : « Venez nous voir. » Une fois que la parole est libérée… Et elle est libérée la parole. Elle est libre depuis longtemps les victimes parlent depuis très longtemps. Ensuite il faut les écouter et les accompagner. On voit parfois des victimes qui disent « Moi, j’ai été signaler après il ne s’est rien passé donc je ne veux plus signaler. » Car il n’y a rien après. Il y a aussi une responsabilité de l’établissement en termes d’accompagnement des victimes de traitement des signalements mais aussi de sanctions. S’il y a eu une agression, une violence, un crime ou un délit il faut sanctionner les personnes mises en causes. L’autre obstacle que je vois à la fois au niveau de la recherche de l’Observatoire et aussi au niveau opérationnel des missions Égalité c’est les moyens humains et financiers. En fait, on n’a pas d’argent. On n’a pas suffisament d’argent par rapport au portefeuille qu’on nous demande de mettre en œuvre. C’est super qu’il y ait de nouvelles lois et que l’on traite des discriminations et je suis totalement d’accord avec ça. Mais on n’a pas assez de moyens humains et financiers et on se retrouve en difficulté avec un portefeuille très large, mais ensuite, sur le terrain on ne peut pas mettre en œuvre tout ce qu’on voudrait. Oui, en… En préparant la table ronde, je voyais qu’en 2022, donc cela fait déjà 3 ans on parlait des missions Égalité en souffrance. Donc, c’est une situation qui n’est pas tout à fait d’aujourd’hui et, c’est vrai qui s’installe, avec des demandes de plus en plus fortes et des moyens, malheureusement de plus en plus limités. Parce que je pense qu’au moment de faire les choix il y a des variables d’ajustement. Et je crains que les missions Égalité n’en fassent pas partie parce que… voilà ! Fabrice, sur cette question ? Oui, peut-être trois choses. Je repartirai sur ce que disait Philippe Liotard l’exemple de dire qu’il y a des chiffres mais quand on voit les verbatim, là, ça fait réagir. Dans notre expérience avec ACADISCRI, dans la restitution de l’enquête le fait d’utiliser une méthodologie qui combine de la statistique publique et des verbatim et des entretiens qu’on a, par ailleurs, réalisés. Mais aussi l’exploitation des verbatim, ce qui n’est pas toujours le cas dans les enquêtes quantitatives. C’est très intéressant parce que ça montre un double scandale. Ça montre le scandale de l’ampleur. Pour vous donner une idée par rapport à Rennes 2 Je vous dit ça de mémoire mais je crois que c’est à peu près 45 % du personnel de l’université qui, au cours de sa carrière a été confronté à des situations de traitement inégalitaire. De formes différentes et très variées mais 45% du personnel, quasiment un membre du personnel sur deux sur l’ensemble de son expérience professionnelle au sein de l’ESR. C’est absolument massif. Donc on sort complétement du cadrage des missions Égalité qui sont centrées sur des cas individuels. On est face à un problème massif. Et les institutions ne sont pas prêtes à faire face à ce changement de braquet qui est en fait un changement de paradigme à mon avis dans le problème. Et l’autre face, c’est que les verbatim montrent la forme. ce qui a été une surprise pour nous, l’équipe de recherche car on avait plutôt l’hypothèse que l’on était dans un espace académique qui était relativement un espace interculturelle, feutré dans lequel les choses prendraient des formes plutôt discrètes. En réalité, les verbatim montrent une violence ouverte. Ils montrent des situations d’humiliation, de violence physique, de maltraitance de viol, qui sont des violences absolument ouvertes dites assumées, reconnues, posées, c’est tout à fait impressionnant. On a été relativement surpris par rapport à notre hypothèse de travail. Nous ne sommes pas dans ces institutions qui se présentent parfois comme étant ouvertes sur le monde. On est dans des rapports qui sont extrêmement violents. Donc là, effectivement… Le deuxième point, c’est que si l’on montre une difficulté majeure des institutions, pas seulement universitaires c’est la tension qui les traverse, c’est à dire que quand on travaille sur les discriminations ou le racisme, ou l’homophobie on est sur la négativité du fonctionnement d’une institution. On est sur sa face négative, c’est-à-dire ce que les rapports de pouvoir produisent comme système de disqualification, de domination, d’humiliation, et cetera. Et c’est ça qui émerge de manière très visible dans les verbatim. Or, les institutions, elles ne se pensent et elles travaillent sur elles-mêmes pour communiquer toujours la face positive, la belle image de l’institution, la vitrine. C’est très significatif dans la manière dans les institutions réagissent quand il y a une situation qui arrive dans l’espace public à visibilité publique c’est que, la première chose, est de rappeler les grands principes. En disant, le racisme, le sexisme n’a pas sa place dans l’université. Alors que précisément la situation, elle démontre qu’il a toute sa place. Si on est sur le plan de la négativité, c’est ça que ça montre. C’est à dire qu’il est bien là et il est ouvert. Il y a donc une tension majeure. Et je pense que quand on est en situation de représentation politique ou mission Égalité, c’est une tension extrêmement forte. C’est-à-dire comment on reçoit cette image négative ou de la négativité plutôt… C’est pas l’image qui est négative c’est la négativité du rapport dont ça parle au fond et qu’il faudrait le transformer en action positive. Je reviens encore sur l’enquête d’ACADISCRI je pense que c’est très significatif. Quand on est en phase d’enquête pour les établissements qui sont engagés c’est facile de communiquer une belle image. C’est dire : « Regardez, l’enquête a démarré, nous sommes engagés. » Super. Bon, quand les résultats arrivent c’est un peu plus difficile de communiquer publiquement. Il me semble que cela marque bien cette tension. Troisième point, excusez moi je suis peut-être un petit peu long, mais par rapport à ce qu’on dit sur… sur le déni et sur le fait que tout le monde n’a pas envie d’égalité. Il faut quand même se rappeler qu’une précédente ministre de l’ESR dénonçait le wokisme. Je ne parle même pas des ministres de l’Éducation nationale, successifs qui ont tous embrayé, jusqu’au président de la République et cetera. On est sur une question qui est l’objet de controverses politiques et de stratégies de disqualification politique majeures et à ciel ouvert. Avec des moyens de communication médiatique qui sont sans commune mesure avec les petits moyens de la recherche qui voudrait simplement faire reconnaître une question. On est dans quelque chose qui est démesuré dans ce rapport de force. Il n’y a pas besoin d’aller aux États-Unis pour voir ça. Ça se passe dans le contexte politique français. Et ce qui me paraît important derrière, c’est ce qu’il se joue après. Ce n’est pas… la négation du sexisme et du racisme en tant que tel. Je pense que c’est un combat pour la contention des problèmes dans la définition de « Que sommes-nous prêts à reconnaître ou non comme étant du sexisme ? » « Que sommes-nous prêts à reconnaître ou non comme étant du racisme ? » Cette controverse est très à ciel ouvert, ouverte au public. Et elle montre l’échec, à mon avis de la stratégie politique de notre état-nation français qui a été d’essayer de faire consensus autour de ces questions. Le consensus tient seulement tant que l’on peut dire que le sexisme, le racisme, c’est l’histoire d’individus qui déconnent. C’est des histoires individuelles. Dès qu’on arrive dans quelque chose de massif ou d’ouvert et toléré dans des espaces professionnels comme ça et c’est cela que révèle l’enquête, qu’on est donc dans une analyse systémique qui montre une dimension structurelle et institutionnelle du problème. Soudain, ce n’est plus supportable. Et là, c’est exactement la difficulté qu’a actuellement l’action publique de façon générale, à mon avis aussi. Merci, je vois l’heure qui s’avance, et on va aller nous aussi peut-être tranquillement vers la conclusion. À partir de ce qui vient d’être dit d’ailleurs. Imaginons maintenant que vous êtes au ministère, en charge des politiques. Quelle serait la première mesure que vous prendriez ? C’est une pure fiction ? C’est une pure fiction ! Déjà il faudrait aller vite parce que l’on ne serait pas là pour longtemps. C’est vrai, en ce moment, c’est un peu compliqué. Mais comme c’est de la fiction, on imagine que vous avez du temps. Quand je dis que c’est de la fiction ce n’est pas parce que j’ai peu de chances d’y être c’est parce que je n’ai aucune chance d’y être au vu des positions que je tiens sur ces questions là, publiquement. Ça allait avec que ce que je disais, c’est-à-dire l’organisation du champ sur le mode polémique fait qu’un certain nombre des personnes sont disqualifiées pour travailler sur ça. Je pourrais rentrer dedans, j’ai plein d’exemples, mais ce n’est pas l’enjeu. Donc on est vraiment une politique fiction c’est à dire, est-ce qu’il est possible qu’au ministère les personnes en charge de ces problématiques là soient des personnes qui défendent une conception structurelle, institutionnelle et systémique du problème ? Première difficulté. Deuxième difficulté, c’est dans l’analyse de l’organisation. Comment le ministère fonctionne-t-il ? La question serait « À quelle place ? » Mais j’ai envie de dire, quelle que soit la place ça va revenir au même. Je pense que, surtout sur des ministères comme ceux-ci en charge des questions éducatives il y a une logique de préservation d’un certains consensus politique autour de ça. Avec l’idée que s’il y a un consensus politique on pourra peut-être faire quelque chose. Et du coup, ces questions polémiques là ne peuvent pas être assumées politiquement. Sauf, éventuellement, pour désigner de temps en temps des méchants, et cetera. C’est-à-dire quand ça fait un jeu politique particulier. Mais il me semble que ça ne peut pas être assumé comme image politique. Et du coup, si on est au ministère dans la position de la mission Égalité contre le racisme, contre l’antisémitisme, et cetera. Quel que soit le nom par lequel s’appelle cette misison là on est dans une situation avec un tiraillement majeur entre la nécessité de garder sous le boisseau cette question foncièrement et en même temps, la nécessité de donner le change de l’idée que le ministère fait quelque chose. Voilà, moi c’est ça que j’observe dans l’Éducation nationale que j’observe dans le ministère de l’Enseignement supérieur. Donc, outre le côté tout à fait improbable d’être au ministère je ne suis pas sûr que ce soit un lieu de puissance possible. Voilà. D’autant moins que… l’autonomie des établissements est réelle sur des politiques comme celles-ci. Elle est absolument majeure. Donc, à mon avis, si on a deux choses à attendre du ministère c’est un discours politique qui soit fort mais je n’y crois pas. Je n’y crois pas une seconde, qu’il soit fort, qu’il soit constant sur cette question-là, sur l’ampleur, la forme et la nécessité du problème. Et la deuxième chose, c’est évidemment le point financier c’est à dire des choix politiques qui se traduisent sur ce point de vue. Il faut avoir des équipes, pas d’une demi-personne à côté de son poste. Il faut avoir des équipes de 10 ou 15 personnes pour essayer de faire avancer quelque chose à l’échelle d’une institution comme une université. Alors, il y a juste peut-être… La position de ministre, c’est l’incarnation du pouvoir. Donc ça c’est une première réalité. Et effectivement, les questions… je vais décaler par rapport à l’enseignement supérieur quand on voit les ministres de l’égalité, leur évolution, leurs actions… Ce n’est même pas la peine. D’abord, il n’y a pas de moyens ensuite, on s’aperçoit qu’il y a une grosse difficulté à traiter l’ensemble des discriminations de la même manière. Voilà, vraiment, il y a des injustices, en fait. Un ministère de l’Égalité qui produit des injustices dans la façon dont il traite les populations qu’il doit protéger ça ne peut pas tenir. Pas besoin d’être un grand spécialiste de la sociologie pour l’observer. Après, moi je crois quand même au rôle de l’État. J’y crois vraiment, mais cette fois-ci, plutôt au rôle de la fonction publique. C’est-à-dire comment l’État est là sur le territoire, dans les régions. C’est vrai que les universités, c’est différent elles sont autonomes par rapport à l’État et le ministère ne peut qu’impulser certaines choses. Mais de mon expérience sur ces questions-là j’ai trouvé qu’on avait pu obtenir et faire des choses en partenariat avec… des gens de la fonction publique et qui sont en poste. La question est « Qui et où ? » C’est les gens avec qui on est directement en… en discussion sur ces questions, parce que c’est les personnes qui sont chargées de ces questions au sein du ministère. Mais, là aussi, leur espace de liberté est limité. Sans budget elles peuvent dire : « On est d’accord avec vous mais… on ne peut pas le faire. » Ou alors le débat qu’il y a eu il y a quelques années, quand il y a eu le plan d’action du ministère contre les VSS, donc les violences sexistes et sexuelles. Il y a eu des appels à projets. Très bien, ils appellent à projets, mais on s’est dit « Non, il faut qu’on arrête, car ça nous met en concurrence alors qu’on a besoin d’être et de travailler ensemble. » Résultat ? Pas d’appel à projets, ils ont créé des postes dans des rectorats. Il y a une enquête qui va sortir. Je n’ai pas encore eu les résultats mais elle sort bientôt. Résultat : les discussions sur le pouvoir… À l’époque, j’étais en discussion avec une des personnes qui a poussé ce projet. Et je disais « ça ne va pas marcher ce n’est pas ce que demandent les établissements, ça va être sous le coup des rectorats et une fois au rectorat c’est au rectorat. » Je ne vais pas dire de bêtises vu que je n’ai pas encore les résultats mais des retours que j’ai eus, ce n’est pas du tout ce qui était projeté. Sauf que ça veut dire que l’institution, qui a fait un choix qui lui semblait être le bon, malgré les alertes qu’on a pu donner est en fait confrontée à ses mauvais choix. Mais elle ne le dira jamais. Il y a donc un déplacement. Les personnes qui sont en poste sont occupées, elles travaillent. Elles ont des choses à faire mais elles ne restent pas. Elles s’en vont. J’ai eu pas mal de gens qui sont partis au bout d’un an car elles sont rentrées avec un but puis elles se retrouvent contraintes à ne pas pouvoir le faire. C’est insupportable. Sauf que les gens qu’on recrute là… même dans les missions, on recrute des gens formés. On recrute des gens compétents des gens avec un master en discriminations, en égalité, et cetera. Pas des gens à qui on fait avaler des couleuvres. C’est des personnes qui sont formées, compétentes mais en plus, elles ont un projet, une volonté d’agir. Mais c’est des gens qui vont partir. Le résultat, c’est que ça produit de l’inertie. Et donc… Une fois qu’on a compris qu’être un ministre, c’est incarner un pouvoir il faut travailler autrement parce que, je dirais que, ça, c’est pour les médias c’est pour donner l’impression qu’on peut faire les choses. Mais on sait bien qu’elles vont plutôt se faire dans un établissement. Je reviens sur ce que tu disais plus tôt. Quels sont les établissements qui, avec leurs étudiantes et leurs étudiants avec leurs personnels, veulent faire quelque chose. Et quand on veut faire quelque chose, on y arrive toujours. mais il faut arrêter d’imaginer que ça va être le ministère qui en plus agit. De l’expérience que j’ai eue, parfois, voire souvent il y a un décalage entre le ministre qui tient un discours qui peut être discriminatoire ou qui promeut la discrimination. et des agents de son ministère, qui sont là pour, justement qu’on ne discrimine pas les gens. Ils sont dans une situation complètement insupportable. Au tour de Louise ? Alors, moi, je suis assez d’accord avec ce qui a été dit et je risque de me répéter, pour moi, que ce soit les missions Égalité, donc la casquette un peu opérationnelle ou l’Observatoire… Bon, si on a une baguette magique et qu’on peut faire ça même si on sait que c’est pas trop possible… C’est déjà ce qui a été dit, des moyens financiers, de l’argent. C’est à dire, à la fois afin d’avoir des moyens humains pour les missions Égalité qui sont en surcharge de travail en souffrance, qui ont du mal a faire leur travail. Il faut des moyens financiers pour mettre en œuvre des actions de sensibilisation, de formation, et aussi payer les gens qui sont derrière pour que ça ne repose pas sur le dos d’une seule personne. Et également de l’argent pour soutenir la recherche je reprends ma caquette de l’Observatoire. Nous, au sein de l’Observatoire, on est deux. Donc Yannick L’Horty, le directeur de l’ONDES et moi-même, qui suis la seule salariée de l’ONDES. On a la chance d’être financièrement soutenus par l’Université Gustave Eiffel et par le ministère. Ce sont nos deux seuls financeurs. Donc si demain les universités, qui sont pas en forme, ne peuvent plus nous financer et que le ministère décide pour des raisons politiques ou de coupes budgétaires à cause d’un changement de gouvernement soudain de couper les financements, l’Observatoire n’existe plus. Il faut rappeler qu’on a une existence très fragile. Certes, l’argent peut paraître un peu superficiel mais sans lui on peut pas financer la recherche et les gens travaillant pour elle. Sans son financement, on peut pas obtenir de données objectives et sans elles, on n’a pas de leviers pour dire aux établissements « Ce n’est pas de l’opinion, ce n’est pas du militantisme, et cetera ce sont des faits factuels. Il y a des discriminations, de l’inégalité, des violences. Il faut agir. » Donc en fait, si on repart du bas, sans argent, on ne fait pas grand-chose. Donc voilà, des moyens financiers pour soutenir la recherche les équipes de recherche et leur permettre une autonomie dans leur travail. – Je peux me permettre ? – Ah, tout à fait ! Je suis d’accord avec ça, mais le bas c’est pas la recherche. Le bas, ce sont les collectifs qui se mobilisent. Je crois que ces questions n’auraient jamais avancé s’il n’y avait pas eu de clash. S’il n’y avait pas eu toutes sortes d’initiatives pour mettre le problème sur la place publique. Sans cela, ni les institutions, ni les chercheurs nen seraient là. Je pense qu’il est important de se rappeler que la recherche arrive dans un second temps. Il y a du pouvoir et du pouvoir d’agir dans les luttes. Bien, merci pour cette conclusion qui nous laisse quand même de l’espoir et qui tout en nous ouvrant des perspectives qui, effectivement, vont dépendre de beaucoup de choses que nous ne maîtrisons pas. On devrait quand même nous permettre de continuer parce que je crois que, malgrè tout les choses qui ont été faites sont à conserver et tout ce qui pourra être fait sera bon à prendre. Merci à vous trois. Je crois que des questions sont aussi possibles. Je suis éblouie par la lumière et je ne vois pas. Sarah ? Ah, voilà, et son… et son micro. Oui, bonjour, Vincent Gouëset, président de l’Université Rennes 2. D’abord, je me félicite de la tenue de ce débat et je tiens à rappeler notre attachement à poursuivre l’action qui avait été initiée par Christine dans la lutte contre toutes les formes de discriminations. La tenue de ce débat en est une preuve. Alors, Rennes 2 a été citée plusieurs fois et un petit peu de façon trompeuse voire inexacte sur le silence qui aurait été fait autour de l’enquête ACADISCRI. Idée qui pourrait laisser penser qu’on serait tenté de mettre ça sous le tapis. notamment, ça a été dit, parce qu’éventuellement ça révèle des situations un petit peu embarrassantes. Évidemment, ce n’est pas du tout notre état d’esprit et, c’est pour ça que je disais que des inexactitudes ont été dites. Ce n’est pas parce qu’en tapant sur le portail de Rennes 2 « ACADISCRI » on ne trouve rien, que cette enquête a été invisibilisée. Elle a été rendue publique à travers son passage et ses principaux résultats. Je salue d’ailleurs l’action de notre vice-présidente en charge de l’égalité, ainsi que celle de la chargée de mission Égalité qui sont à mes côtés. Ça a été restitué en CSAE ainsi qu’en conseil académique. Tous les comptes rendus de ces conseils font clairement référence à l’enquête ACADISCRI. Et ça a largement alimenté notre plan d’action égalité qui lui-même est public et fait référence à l’enquête. D’autre part on a bien la volonté de rendre cette enquête publique. Seulement, il faut s’y prendre dans de bonnes conditions. On a eu les résultats assez récemment. Moi, j’en ai eu connaissance il y a à peu près un an c’est donc un délai assez court dans le fonctionnement de nos institutions. Je précise qu’effectivement nous sommes en déficit, avec des moyens restreints. Nous avons mis en place une mission Égalité avec un personnel dédié ce qui n’existait pas dans le passé et, avec les moyens qui sont les nôtres, les leurs on avance au rythme qui est le nôtre. Ce n’est pas si simple de restituer cette enquête. Il y a plusieurs éléments. D’abord, ce n’est pas la seule, il y en a d’autres. Pourquoi privilégier celle-ci plutôt que d’autres ? On pense effectivement que celle-ci est importante car c’est l’une des plus complètes. Mais elle ne l’est pas tout à fait. Par exemple, on a bien vu avec la loi sur l’antisémitisme que l’enquête n’avait pas pas une maille assez fine en termes qualitatifs, pour percevoir, par exemple ce type de discrimination qui n’est pas renseigné dans le questionnaire. On y a décelé d’autres difficultés, vous citez le cas des 40 ou 45% de personnels qui auraient subi des discriminations. La façon dont est rédigé le questionnaire ne permet pas d’isoler ce qui a été subi dans l’enceinte de l’université ou au préalable. Il y a donc un biais qui est difficile à restituer et la restitution ne peut pas se faire sans un certain nombre de précautions parce que rien ne serait pire que de jeter le truc comme ça. « Regardez, on a des discriminations à tous les étages. » Et point, rien d’autre. Ça serait sans doute une situation qui mettrait l’ensemble de la communauté d’abord en décalage avec ce qu’est la réalité des discriminations et ensuite dans l’inconfort en disant « Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? » En plus, par quel canal diffuser ça ? Ce n’est pas une question si simple techniquement parlant notamment car nous avons plusieurs supports de communication. On a l’espace public de Rennes 2, son site internet extérieur. On a l’espace dédié aux étudiants et celui dédié aux personnels. Ces trois espaces ne s’interpénètrent pas. « Où, comment et dans quel but communiquer ? » n’est donc pas une question simple. Surtout que ce n’est possible que dans un cadre où l’on rend visible un certain nombre d’actions de prévention des discriminations qui accompagneront ce constat sur les discriminations. Donc, tout ce travail est mis en oeuvre. Voilà… Vous complèterez éventuellement, si vous le voulez mais ça prend un peu de temps et avec nos moyens actuels on prend ce temps de façon à en faire un usage utile. On le fera. Mais pourquoi ? Pour la raison énoncée par Louise Bourgoin pour la valeur performative de cette enquête. C’est-à-dire déjà, la faire passer. Je rappelle qu’on a eu parmi toutes les universités où c’est passé celle où le taux de réponse a été le plus élevé et ce n’est pas un hasard. C’est parce qu’à Rennes 2, il y a une culture de la prévention une culture de sensibilisation qui fait qu’aussi bien les étudiants que les personnels y sont sensibles et ont donc répondu à ce questionnaire. Certes, on peut dire « pas beaucoup » mais tout de même plus qu’ailleurs. Ensuite, lorque ce sera le moment de la diffusion de l’information on compte sur cette même valeur performative car nous possèdons des moyens d’action limités. Déjà avec la visibilisation de ces actions on espère une valeur d’accroche, de sensibilisation qui, je l’espère contribuera à faire prendre conscience à notre communauté de la réalité de ces faits. On a aucune espèce de forme de pudeur ou de fausse pudeur par rapport à la réalité des discriminations dans les universités. L’université est un morceau de la société on y trouve les mêmes travers que dans le reste de la société. Et malheureusement, des faits de discriminations Je le déplore mais on essaye, à notre mesure, de lutter contre. Oui. Moi, je vais rejoindre ce que dit Vincent ACADISCRI a été relayée et inscrite dans le plan égalité de l’établissement qui est en place pour les trois prochaines années. On a mis en exergue tous les chiffres, pour justement les présenter à la communauté et que les gens se saisissent de ça à la fois pour un principe de réalité et pour comprendre derrière que c’est inscrit dans un plan d’action et que justement, les établissements… enfin le nôtre s’engage à lutter contre et à mettre en place des actions. On a également « utilisé » je ne sais pas si c’est le bon mot les verbatim. Philippe l’évoquait tout à l’heure, les verbatim ont en fait une forte puissance pour interpeller l’ensemble des collègues, des étudiants. Et là… on est vraiment sur la parole brute Voilà. Elle vous est livrée Vous en faites quoi ? Est-ce que vous avez déjà rencontré ça ? Est-ce que c’est tous les jours ? Est-ce que c’est pas tous les jours ? Ça amène plus largement, pour moi, quelque chose qui est important c’est que je considère que les questions d’égalité, de discriminations… c’est peut-être une vision un peu naïve mais on est tous concernés et responsables. De ce fait on n’a pas à être isolé sur une mission Égalité pour traiter les questions de discrimination mais on doit simplement arriver à tisser une maille et s’appuyer sur des gens, des collègues des étudiants et des étudiantes qui ont aussi envie de s’impliquer dans ces questions-là. En tissant ce réseau, en groupant nos forces en permettant aux gens de s’impliquer et de s’approprier certains outils pour participer à la diffusion d’une culture de l’égalité je pense que ça fait partie des actions qui porteront leurs fruits. Et pour moi, ça, ça ne coûte rien. Juste pour les gens de conscientiser, d’être concernés et de se dire : « Je vais lui dire à lui ou à elle que ça, ça ne va pas et lui en faire prendre conscience. » Ça, ça coûte zéro. Et quand on n’a pas de sous ou quand on en a moins ça peut être quelque chose à faire. Voilà, je ne veux pas non plus monopoliser la parole. Bien, merci pour ce retour de l’établissement, au final. Oui ? Oui, moi je voulais vous dire, Madame vous avez de l’espoir mais moi je flippe complètement parce que quand je vois l’actuel antisémitisme qu’il y a quand je vois le dévoilement de tout l’antisémitisme qu’il y a, à Sciences Po qui forme nos élites à au moins le « back down ». L’espoir porte davantage sur nos actions, sur ce que l’on pourra faire mais ces situations… C’est sûr que ce sont des situations qui ne peuvent que nous inquiéter. Mais, il est vrai qu’on peut s’asseoir et attendre que ça passe. Ou bien on peut essayer, malgré tout et je crois que c’est un peu ce qui a été dit ce soir de trouver des solutions, de mettre en place des politiques avec les moyens qui sont ceux des établissements. Et c’est vrai qu’un établissement comme Rennes 2 ne dispose pas de moyens exceptionnels. Et Rennes 2 n’est pas une exception, d’autres universités souffrent aussi. Mais malgré tout les possibilités de faire avancer les choses existent tant qu’on pourra le faire. C’est sûr que si le pire devait arriver là… il n’y aurait plus qu’à s’asseoir et à attendre mais on espère que ça n’arrivera pas. Est-ce que je reprends encore des réactions ou des questions ? – Je vois des… – Oui. J’aurais juste une petite réaction, si vous me le permettez C’est juste sur la question de l’antisémitisme. peut-être clarifier point-là, parce qu’il y a des rumeurs qui ont circulé sur l’enquête. L’enquête ACADISCRI prend bien en compte l’antisémitisme. La difficulté à l’échelle d’un établissement est que le nombre de déclarations fait que, statistiquement, on peut repérer quasiment des gens… parfois, dans un certain nombre de déclarations. Du point de vue des statistiques, nous communiquons des chiffres qui sont un peu sécurisés de ce point de vue-là qui sont un peu robustes. Donc effectivement, le travail plus fin sur la question particulière de l’antisémitisme ne sera possible quà l’échelle globale de toutes les universités. J’insiste sur ce point. Mais j’entends bien les difficultés de traduction… Quand il m’a interrogé sur l’antisémitisme à l’université je lui ai cité ACADISCRI en disant que l’enquête ne permettait pas de faire remonter les faits d’antisémitisme que par contre, elle permettait de faire remonter les faits d’islamophobie et que ceux-là étaient largement invisibilisés. Elle permet bien de faire remonter les faits d’antisémitisme. C’est juste que le niveau de déclaration à l’échelle d’un établissement n’est pas dans les mêmes proportions que d’autres types de faits. Donc si on veut travailler effectivement sur l’antisémitisme à l’université dans ACADISCRI, il faudra qu’on globalise l’ensemble des établissements y compris pour pouvoir protéger les personnes. C’est ça que je dis. Mais bien entendu que l’enquête permet d’enregistrer l’antisémitisme. – Je prends une dernière question. – Une dernière question, oui, Sarah ? On approche de 20 heures, donc je prends la dernière question. Je crois que c’est ici. Je peux demander le micro ? Bonsoir, excusez-moi, je ne suis pas de Rennes 2 mais je me demandais si, dans votre enquête vous aviez eu des données sur les vécus précédents à l’entrée à l’université et sur les difficultés d’orientation vers l’université. Des discriminations à l’orientation. Ça n’était pas du tout l’objet de l’enquête. Elle portait sur l’expérience au sein de la carrière que ce soit d’étudiant ou de travailleur au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche. Mais, comme ça a été dit très pertinemment on raisonne du point de vue de l’expérience des personnes sur leur trajectoire. Il se peut donc que la personne, que ce soit un étudiant ou un personnel ait connu plusieurs établissements différents. On a donc, effectivement un problème d’unité par laquelle on essaie de saisir la globalité d’une expérience donnée. Ça, c’est la limite. Il y a, et on le voit dans les verbatim quelques personnes qui s’en sont saisies pour parler de leur expérience scolaire, d’une orientation passée. Mais ça, c’est dans quelques verbatim où ça apparaît un petit peu comme une expérience antérieure. Et bien écoutez, merci à nouveau à tous les trois puisque finalement, nous étions bien quatre. Merci à vous. Je crois que le programme vous a été distribué. La dixième saison des Mardis de l’égalité est lancée et j’espère qu’elle répondra à vos attentes et que vous y trouverez toujours le même intérêt à venir entendre conférenciers et conférencières sur ces questions si importantes. Merci et bonsoir.
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