Univesité Rennes 2
DATE 26-10-2015 DURÉE 00:20:05 GENRE Conférence PUBLIC Master, Doctorat, Enseignant DISCIPLINE Sciences politiques, Sciences humaines et sociales (Généralités) Producteur Université Rennes 2

Résumé

Serge Latouche est philosophe, professeur émérite à l’université de Paris Sud.

La décroissance est un projet révolutionnaire, en ce sens qu’elle suppose une rupture radicale avec le système social en place, à savoir la société de croissance. Il s’agit, une fois sortis de l’illimitation de l’économie productiviste, de construire une société d’abondance frugale ou de prospérité sans croissance. La rupture première impliquée par le projet décroissantiste consiste à décoloniser notre imaginaire et donc à sortir de la religion de la croissance et à renoncer au culte de l’économie (sortir de l’économie). Evidemment, s’attaquer à la croissance économique constitue une atteinte au pouvoir des « nouveaux maîtres du monde » et, en ce sens, le projet touche les fondements du politique moderne et a des implications politiques. Toutefois, cela n’en fait pas, à strictement parler, un projet politique, en ce sens d’une part, que l’organisation de la politie, ou entité politique, qui mettrait en œuvre une politique de décroissance reste indéterminée tant dans sa forme que dans son organisation et son mode de fonctionnement, et d’autre part, parce que ce projet n’intègre pas une stratégie de la « prise du pouvoir ». Là est la raison pour laquelle, la création d’un parti de la décroissance n’est pas pertinente. De plus, la société de non-croissance n’étant pas une alternative, mais une matrice d’alternatives, elle est fondamentalement plurielle, puisqu’elle rouvre l’espace à la diversité culturelle, d’où une préférence pour un pluriversalisme plutôt que l’adhésion à un universalisme toujours suspect d’occidentalocentrisme. La marche vers la société d’abondance frugale est donc envisageable a priori avec les organisations politiques les plus diverses. Dans les livres et les articles où le projet d’une société de décroissance a été présenté, on trouve naturellement de nombreux éléments qui touchent le politique et la politique. Cela a pu faire croire qu’il s’agissait d’une utopie politique et, en même temps, donner l’impression d’une certaine incohérence. Il importe donc de clarifier le rapport que la décroissance entretient avec le politique et la politique, et en particulier, préciser la position de la décroissance sur la question de la démocratie et de l’Etat.

Alors que pour Castoriadis, le projet qui l’a animé tout au long de sa vie est d’emblée politique avec des conséquences économiques et sociales, comme l’autogestion et la démocratie directe, pour nous, la décroissance est un projet sociétal dont découlent des implications et éventuellement un programme politiques. Certes, il s’agit dans les deux cas de construire une société qu’on peut appeler « écosocialiste », mais si la décroissance s’intéresse au politique et donc à la question de la démocratie, de l’Etat et de la bureaucratie, elle s’implique beaucoup moins dans la politique et en conséquence n’est pas vraiment concernée par la question des partis ni par celle du clivage entre la droite et la gauche ni des jeux qui en découlent sur l’échiquier politique.

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